dimanche, juillet 03, 2011

Un certain je ne sais quoi du Macintosh...


« L'enthousiasme est contagieux et un produit qui est cool à créer a bien plus de chance d'être cool à utiliser. Le sentiment d'urgence, l'ambition démesurée, l'obsession du détail, la passion pour l'excellence, la fierté proprement artistique et l'humour irrévérencieux de l'équipe créatrice du Macintosh imprégnèrent le produit et nourrirent une génération de développeurs et d'utilisateurs de ce Macintosh Spirit qui continue d'être une source d'inspiration plus de vingt ans après. » Ainsi Andy Hertzfeld concluait-il Revolution in the Valley un récit très personnel de l'épopée du développement du Macintosh.

 




Pour avoir peut-être un temps renié ce Macintosh Spirit, Apple Computer faillit périr corps et âme en 1997. Mais une fois l'inspirateur originel de l'esprit Mac revenu, porté par ces mêmes valeurs qu'Andy Hertzfeld glorifiait, le messianique Steve Jobs faisait exploser, comme des répliques amplifiées du séisme Macintosh initial, de nouvelles révolutions dans l'industrie de la musique puis de la téléphonie, du PC post-moderne, bientôt du cloud computing — voyez iCloud, voyez le rachat du portefeuille de brevets du défunt Nortel par les leaders de la précédente génération, Apple et Microsoft et leurs alliés, au nez et à la barbe de la nouvelle, Google.

 




Il est vrai qu'en ce moment dans la cour de récréation, la confrontation des jeunes prodiges Google et Facebook menace de tourner à « l'incident de collège » classé rouge sur l'échelle Hortefeux-Guéant. L'objet de la discorde est évidemment le réseau social dont l'enjeu porte bien au-delà du seul combat d'audience publicitaire — sinon pourquoi le moteur de recherches, qui engrange 30 milliards de dollars de revenus annuels de sa mainmise quasi-monopolistique sur le marché publicitaire en ligne, déploierait-il tant d'efforts visant à circonvenir un Facebook, qui n'afficherait aujourd'hui, selon les spéculations gesticulatoires préalables à une IPO tant attendue et annoncée, que quelques milliards de dollars de revenus ? Tout pétri qu'il soit de crâne assurance, tout auréolé qu'il soit d'un parcours boursier exceptionnel — au point même que la stagnation du cours de Microsoft, en comparaison, ait sérieusement mis Steve Ballmer et son middle management en porte-à-faux au cours des derniers trimestres — Google est bien plus troublé par le développement inédit de Facebook qu'il souhaite le faire paraître.

 




Sa succession de mésaventures sur le terrain des réseaux sociaux n'arrange rien à l'affaire. Le réseau Orkut, lancé en janvier 2004 n'a pas connu le succès réservé à son contemporain Facebook, lancé quelques semaines plus tard, sauf semble-t-il au Brésil. En 2007, Google reprend le sujet avec l'acquisition du réseau social mobile Zingku et lance le consortium OpenSocial, suivi par LinkedIn, Xing, Viadeo, Plaxo, Friendster, MySpace, Hi5, SixApart, etc., dans une dénonciation à peine voilée de l'attitude propriétaire du rival Facebook. S'il est notable que cette attitude et les questions connexes de protection des données privées écornèrent en effet l'image de marque de Facebook, c'est bien plus à la fronde des utilisateurs mécontents qu'à l'engouement massif pour OpenSocial que l'on doit l'assouplissement récent de la politique de données du réseau social. En 2009 à nouveau, l'excitation du marketing était à son comble à la conférence Google I/O dont l'événement phare était le lancement de Google Wave, un système de communication social en temps réel : interface incompréhensible, difficultés d'utilisation, le soufflé retombe rapidement ; Wave est arrêté net en août 2010. De 2009 date également la monumentale prise de pied dans le tapis du lancement de Google Buzz dont la configuration relative aux données privées, par défaut particulièrement intrusive, provoqua un tollé massif sur la Toile. Bref, le réseau social laisse certainement un arrière-goût amer à Mountain View !

 




Alors cette fois pour le lancement la semaine dernière de sa nouvelle réponse sociale, Google+, Google s'est-il méticuleusement inspiré de son aîné, Apple Inc. D'abord, tel le juvénile Steve Jobs rejoignant le projet Macintosh de Jef Raskin aux « Texaco Towers », Larry Page, à peine la succession d'Eric Schmidt prise en janvier dernier, déplaçait son bureau dans le « Building 2000 », dont le quatrième étage hébergeait discrètement le projet top secret Emerald Sea. Et si l'interface graphique de Circles, Sparks et Hangout, les services phares de Google+, semble si vivace, légère et délicieusement excentrique, en comparaison des écrans minimalistes à la blancheur chirurgicale auxquels nous fumes habitués, c'est qu'elle a été entièrement confiée au magicien vétéran du Mac, Andy Hertzfeld lui-même — recruté par Google en 2005 après ses excellentes aventures à Radius, General Magic (Magic Cap et Telescript) et Eazel (Nautilus pour GNOME), on ne connaissait de lui que Google News Timeline.

 




Il reste à juger si ce retour du Macintosh Spirit se révélera un parfum trop laborieusement concocté pour séduire les utilisateurs de Facebook, où peut-être bien d'un LinkedIn valorisé 8,9 milliards de dollars après une IPO retentissante le mois dernier, ou alors démontrera que la magie opère toujours dans le logiciel.

 



En tout cas, Murdoch, lui, a jeté l'éponge : cette même semaine, il a revendu MySpace pour un seizième du prix qu'il l'avait payé à Specific Media et... Justin Timberlake (Sean Parker dans le film The Social Network) !

 



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