La tendance légèrement haussière des indices financiers US, ces dernières semaines le S&P 500 s'est apprécié de 7 %, par exemple, est certainement entraînée par les bons résultats des derniers trimestres publiés par les entreprises américaines et par les résultats satisfaisants — quoique critiqués par certains observateurs, comme on pouvait s'y attendre — des fameux stress tests des banques européennes. Cette bonne tenue des marchés ne serait-elle que de façade ?
Dans le même temps, en effet, on constate que les volumes de transaction ont uniformément baissé sur toutes les classes d'actifs aux USA. Les investisseurs institutionnels américains désertent les marchés depuis le début 2010, imités plus récemment dans leur immobilisme par la banque de détail et les retail investors. Depuis mai dernier, plus de $40bn ont été sortis des fonds mutuels en actions pour s'investir dans des bons du trésor ou des obligations d'Etat aux USA. Une fuite massive hors des marchés actions qui efface largement les légers gains affichés par les indices !
Quels que soient les mouvements du marché, quels que soient les niveaux de clôture, hausse ou baisse, rien ne semble arrêter l'hémorragie des fonds institutionnels et de détail de ces derniers mois. Seuls les arcanes stochastiques des inébranlables algorithmes de trading et les gammas élevés des fonds indiciels (les ETF) — dont la récente prolifération rappellerait avec insistance « l'exubérance irrationnelle » de naguère — parviennent aujourd'hui à soutenir les actions éloignées de plusieurs déviations standards de leur valeur de marché. Tout semble prêt pour un nouveau 6 mai, le flash crash qui vit le Dow Jones perdre en quelques minutes plus de 600 points avant de revenir, tout aussi brutalement, à son niveau d'ouverture. Il est notable que, des mois après, on se perde toujours en conjectures sur les causes réelles de cette défaillance des marchés.
Seuls les optimistes n'attribueraient cette retraite précipitée qu'aux incertitudes planant sur la zone Euro et à la cristallisation progressive d'un niveau de chômage élevé — et de longue durée — aux USA. Rappelons-nous la sérénité retrouvée de l'été 2007 durant lequel les investisseurs rassurés par le retour d'une stabilité de bon aloi après la succession des éclatements de bulles technologiques, asseyant leurs certitudes sur les simulations de marché de plus en plus sophistiquées et la planification à long terme de modèles financiers gavés de CPU multi-coeurs, embrassaient un horizon d'une dizaine d'années d'un regard confiant... La brutalité de la crise financière, devenue depuis économique et mondiale, a fait voler en éclats cet état d'esprit. Et même si le fracas de l'automne 2008 s'atténue lentement, deux ans plus tard, les investisseurs de toutes origines semblent en subir de durables séquelles : une perte de confiance assez générale dans le bien-fondé des marchés d'actions et un retour à une anxiété court-termiste obscurcissant tout plan d'avenir.
Et il est vrai qu'avec un peu de recul, les heurts réitérés des années 2008-2010 ne furent guère de nature à clarifier l'horizon : les menaces de tempêtes abondent encore ; la volatilité de la trajectoire politique des Etats-Unis à mi-mandat démocrate, l'imprévisibilité de l'intervention des états sur les marchés, les revirements réglementaires et législatifs parfois doctrinaires, souvent à court terme, la Fed elle-même qui ranime le spectre d'un second plongeon récessif de l'économie (double-dip recession) dans ses prévisions de la semaine passée, tout semble conspirer à saper la confiance des investisseurs. Il faut espérer que ce n'est que là qu'inquiétude passagère et que les USA ne suivront pas l'exemple de la décennie « perdue » du Japon qui avait été annoncée par les même signes avant-coureurs...
En France, pas mieux !