vendredi, septembre 01, 2006

Retour aux racines pour les grands éditeurs de progiciels

Dimanche 19 février 2006

Alors que l’on voyait Oracle plutôt concentré sur une stratégie de développement de son portefeuille d’applications, déployant pour l’enrichir une stratégie féroce de croissance externe menée tambour battant, l’acquisition de Sleepycat Software, qui vient peu de temps après l’encerclement tactique de MySQL par le rachat d’un des fournisseurs de l’éditeur Open Source, InnoDB, montre qu’il n’abandonne pas, loin de là, son cœur de métier.

Sleepycat Software édite Berkeley DB, une base de données « légère » à embarquer dans les applications, et Berkeley DB XML, une base de données XML « native » open source qui a conquis une respectable part de marché chez les développeurs. Alors même qu’Ann Winblad, fondatrice du fonds de capital-risque Hummer Winblad, fort célèbre dans la Silicon Valley, pronostiquait au Churchill Club la fin de la domination de SAP, de Microsoft et d’Oracle sur le marché des applications d’entreprise au motif des bouleversements techno-économiques induits par le mouvement Open Source, l’éditeur de Redwood Shores montre qu’il est, au contraire, prêt à défendre sa position, même sur son hinterland originel : celui des bases de données.

La rumeur colporte qu’Oracle serait, de plus, en discussion avancée avec deux autres « stars » de l’Open Source, JBoss l’éditeur du serveur d’applications en logiciel libre, et Zend, l’éditeur qui anime les développements de la plate-forme PHP. Il est intéressant de noter au passage que Berkeley DB est intensivement utilisé par Google pour la gestion des comptes Google, les sésames d’accès à ses services, du courrier électronique jusqu’à la messagerie instantanée et l’hébergement de fichiers.

Et c’est bien aussi peut-être l’hégémonie croissante de Google, (dont les impacts sociaux et politiques commencent à se révéler au travers des affaires récentes de refus d’obtempérer aux injonctions du gouvernement américain de révéler le contenu du trafic sur ses sites et, à l’international, au contraire, de se plier complaisamment aux diktats de la censure chinoise) qui amène, cette même semaine, IBM à rappeler au monde qu’il est également, primus inter pares, un acteur de poids de l’industrie informatique : IBM annonce haut et fort un investissement d’un milliard de dollars, sur les trois prochaines années, dans « la gestion de l’information ».

Derrière le terme générique qui pourrait laisser perplexe – IBM n’est il pas précisément l’archétype de la société commerciale bâtie sur la gestion de l’information ? – il faut bien sûr lire une stratégie de mise en cohérence des outils et applications internes et acquis au cours des années (Rational, Ascential, SRD Software, iPhrase…) et une relation plus étroite avec IBM Global Services, son énorme département de conseil et de prestation de services.

Néanmoins, on voit bien que même un géant comme IBM est obligé de réaffirmer urbi et orbi son credo et de rappeler à tous quel est son cœur de métier, marquant ainsi la frontière dont le franchissement serait considéré comme hostile. Tout comme Oracle sur le terrain des bases de données, convoité par des acteurs de l’Open Source.

Microsoft, de son côté, semble explorer de front plusieurs alternatives. En 2005 un partenariat signé avec son grand rival SAP, sous le nom de code « Mendocino », devrait aboutir à des produits développés et commercialisés en commun. Plus récemment, à l’autre extrémité du spectre, Microsoft a annoncé une collaboration technique avec SugarCRM, un éditeur de solution libre de gestion de la relation client – tiens, tiens ! Le produit interne de Microsoft, Microsoft CRM, hybridation étrange de Great Plains et de Navision, souffrirait-il du formidable développement du progiciel en ASP Salesforce.com ?

Cette dernière annonce se place dans le cadre du programme Shared Source Initiative dans lequel Microsoft s’est engagé à la fois comme dans une possible voie du milieu entre le tout-propriétaire et le tout-libre, mais également comme argument de débat dans les incessantes poursuites judiciaires sur des abus éventuels de position dominante. Poursuites qui pendent maintenant au nez de Google dont la taille, autant que celle de Microsoft, finira par faire peur.

Le Financial Times rapportait à ce sujet les propos de Bill Gates, depuis la conférence RSA 2006 sur la sécurité informatique – timing parfait, notons le, relativement à la révélation de l’auto-censure que Google pratique en Chine et à celle de la coopération de Yahoo avec les autorités chinoises dans l’arrestation de dissidents politiques ! Il n’hésitait pas à appuyer là où ça fait mal, bien évidemment : « il est tout simplement impossible de bloquer toute l’information. Les gens doivent comprendre à quel point Internet est un outil ouvert ». Et une pierre dans le jardin des deux rivaux de MSN, dont tous les serveurs, précise Bill Gates, sont situés en dehors de la Chine…

Chacun donc prend aujourd’hui bien soin de marquer à nouveau son territoire, de tester prudemment les limites auxquelles il peut repousser ses propres frontières sans déclencher de cataclysme, et finalement, de revenir à ce qu’il sait le mieux faire : développer des logiciels pour son cœur de métier.

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