Le ton monte chez Google contre Microsoft et, en particulier, sa suite Office. Il est notoire que Google se distingue de ses grands concurrents que sont Yahoo! et Microsoft par une frénésie récente d'acquisitions de jeunes pousses, souvent à peine écloses (et à des prix parfois stratosphériques). Dans la série d'acquisitions, à ce sujet voir le superbe « mashup » présentant une vue comparée des acquisitions des trois grands du Web à http://www.shmula.com/blog/timelines/google-microsoft-yahoo/g-y-m.htm, Writely, GTalkr, JotSpot et récemment encore iRows sont directement liées à une stratégie d'enrichissement d'une gamme d'applications en ligne de bureautique comportant déjà GMail, Google Calendar, Google Spreadsheets, etc.
À l'occasion de la conférence Web 2.0 Summit d'O'Reilly Media, il y a quelques semaines, Eric Schmidt, le CEO de Google, avait tenu des propos plutôt modérés à l'occasion du lancement de Google Spreadsheets. Positionné comme ciblant les « casual users », par opposition aux forcenés d'Excel, Google Spreadsheets, expliquait Eric Schmidt, n'a pas vocation à entrer en concurrence frontale avec le tableur de Microsoft. Il n'empêche... Le rachat de iRows, quelques jours à peine après le lancement du produit interne de Google, montre que l'histoire n'est pas encore terminée sur ce front.
En revanche, changement de style dans l'article du même Eric Schmidt publié par le très respectable hebdomadaire économique The Economist, dans son numéro spécial annuel The World In 2007. Sous le titre « Don't bet against the internet » (« Ne pariez pas contre l'Internet »), il livre un réquisitoire vigoureux et à peine voilé contre Microsoft. Les progiciels et les applications d'entreprises client-serveur que nous connaissons et pratiquons sont abondamment fustigées, reléguées au rang de « yesterday's solutions », les solutions de jadis qui seraient carrément inadaptées au bouleversement provoqué par Internet. En 2007, prédit il, nous serons témoins de la domination croissante des standards ouverts d'Internet, qui balaieront les offres propriétaires. Suit un plaidoyer, parfaitement dans l'air du temps, pour le nouveau modèle des applications Web en ligne qui réinventent la bureautique en partant des utilisateurs.
Dans un paragraphe laudatif sur les perspectives des nouvelles technologies LAMP et Ajax, Eric Schmidt cite comme exemples à suivre : « Google, MySpace, YouTube, GMail, Yahoo! et Microsoft Live ». Notez l'ordre de classement ! Et « certaines ne sont pas encore entrées dans leur adolescence » s'empresse-t-il d'ajouter : on voit bien qui est visé. On croirait entendre Jim Barksdale, CEO de Netscape Communications de 1995 à 1999, lors de ses auditions au Congrès américain lors du procès pour abus de monopole contre Microsoft.
Plus loin, Eric Schmidt affirme « Today we live in the clouds », un véritable mot d'ordre : « aujourd'hui nous vivons dans le cyber-espace ». Nos applications et les services dont nous avons besoin sont hébergés dans le nuage diffus, sans centre et sans limite du Web. « The network will truly be the computer » conclut-il laissant éclater son passé de CTO de Sun Microsystems, encore pas si éloigné semble-t-il.
Microsoft n'a pas tardé à répliquer dans un article saignant d'Antoine Leblond, Corporate VP, Office Productivity Applications. Dans une interview donnée à Reuters il explique que l'argumentation fondée sur la satisfaction de 80 % des besoins des utilisateurs, dirigé contre la suite Office du géant de Redmond, avait été déjà entendu maintes fois par le passé et n'avait, au final, jamais porté. Sa réincarnation « en-ligne », aux mains de Google, n'en était, selon lui, qu'un énième avatar ne portant pas plus à conséquence que les précédents. Et après tout, OpenOffice existe également depuis longtemps sans avoir encore significativement amoindri les revenus tirés de la suite Office (1/3 des revenus de Microsoft environ). La sortie d'Office2007 l'année prochaine, point qui n'a évidemment pas échappé à Schmidt, doit au contraire illustrer l'approche « software + services » de Microsoft qu'il oppose aux applications totalement hébergées comme services Web. Dans cette architecture, le PC fonctionne « en tandem » avec des services Web distants, façon de redistribuer un rôle au client lourd qui a fait les riches heures de l'éditeur.
Finalement la confrontation entre Google et Microsoft est bien traditionnelle. Les arguments et contre-attaques résonnent comme dans les années 80 et 90. Que l'on gratte un peu la surface du discours d'Eric Schmidt, qui a fait ses classes précisément dans cette période, et l'on voit resurgir les slogans d'un McNealy vintage 1985 ou d'un Barksdale vintage 1995. Que l'on écoute la défense de Microsoft, et l'on entend des références aux années « client-serveur », aux applications dites « mission critical » ou encore « old school », ce qui rappelle furieusement la querelle des anciens et des modernes durant les années 80-90. Où est la nouveauté là-dedans ?
Pendant ce temps-là, la première édition d'une conférence « Office 2.0 » organisée à l'instigation de IT Redux vient de se terminer à San Francisco. Elle réunissait les obscurs et les sans-grade de l'édition du logiciel, à comprendre non pas péjorativement mais bien comme qualifiant les véritables artisans du changement, tous passionnés de Web 2.0 et de nouvelles technologies du Web. La « base de données Office 2.0 » qui recense, à l'issue de la conférence, les acteurs de cette mutation (http://itredux.com/office-20/database/) comporte déjà plus de 350 noms ! Peut-être est-ce là qu'il faut chercher l'innovation ?
En attendant, le cours de Google (NASDAQ:GOOG) a dépassé $500 ! Une capitalisation de de 155 milliards de dollars.