vendredi, mai 18, 2007

Oracle acquiert Agile Software : le début de la fin de la RealPolitik dans le progiciel ?

L'acquisition de Agile Software par Oracle ($495m) constitue-t-elle une rupture du pacte implicite de non-agression qui existait jusqu'alors avec SAP ? La RealPolitik se pratique en effet autant dans l'industrie du logiciel que lors de la constitution de nouveaux gouvernements. De longue date SAP et Oracle sont engagés dans une confrontation qui se traduit par des prises d'assaut de parts de marché à coup d'acquisitions et de croissance externe. Oracle, en particulier, se montre depuis quelques années particulièrement vorace (Siebel, PeopleSoft, JD Edwards, Portal Software, Oblix, G-Log, Retek - emporté déjà contre SAP - ProfitLogic, Sunopsis, TimesTen, MetaSolv, Stellent, Hyperion, pour ne citer que certains de ceux relatifs aux applications métier), mais, comme SAP, savait reconnaître ses faiblesses sur certains secteurs verticaux. Sur certains secteurs industriels, Oracle et SAP maintenaient alors une sorte de « paix armée », chacun reconnaissant que la bataille pour déloger l'autre de ses forteresses traditionnelles serait trop lourde à mener.

Jusqu'à maintenant Oracle admettait tacitement, malgré certaines de ses déclarations publiques, que SAP était moins vulnérable à ses attaques dans les secteurs industriels très capitalistiques (high-tech, secteurs manufacturiers et ingénierie). L'acquisition de JD Edwards, trouvé dans la corbeille de mariée lors du rapprochement avec PeopleSoft, avait permis au géant de Redwood de prendre pied dans ces secteurs. L'acquisition d'Agile Software, au moment précis où le PLM (Product Lifecycle Management) étend rapidement à de nouvelles industries son champ d'application (santé, alimentation, biens de consommation, high-tech), renforce donc sa position et l'étend même à ces nouveaux secteurs en pleine expansion. Et inversement, Oracle se posant en généraliste des applications métier pourrait entraîner plus rapidement encore le PLM bien au-delà de ses bases conventionnelles dans les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile. En cela, Oracle montre aussi son intention de défier les grands éditeurs du PLM comme Dassault Systèmes, UGS et PTC sur leur propre terrain.

Notre champion national, au fait des enjeux, vient juste d'acquérir MatrixOne ($408m), un éditeur de progiciels de gestion collaborative de contenus techniques, tout comme Agile Software, centré sur la définition des produits, la gestion de propriété intellectuelle, la visualisation et l'échange des données techniques, le « sourcing » stratégique et la gestion de configuration. (L'autre marché du PLM est celui, plus ancien, des outils de CAO, CAD/CAM - Computer Aided Design, Computer Aided Manufacturing -, EDA - Electronic Design Automation -, de la simulation et du calcul technique.)

Sur ces deux tableaux, PTC, quant à lui, avait acquis ArborText (juillet 2005, $190m) et MathSoft (avril 2006, $63m), par exemple.

Siemens, en janvier 2007, annonçait l'acquisition de UGS ($3.5 milliards), résultat de la fusion des pionniers SDRC et Unigraphics orchestrée en 2001 par EDS, et rebaptisait l'entité UGS PLM Software pour clairement afficher ses ambitions sur ces marchés.

SAP, qui était entré seulement en 2000 sur le marché du PLM, voit donc sa base SAP PLM/Oracle installée - qui doit néanmoins engendrer moins de revenus que ses vaisseaux amiraux SAP SCM et SAP CRM (Supply Chain Management et Customer Relationship Management, respectivement) - sous la menace imminente d'offre de substitution tout Oracle avec Agile Software.

Et l'on peut imaginer sans difficultés qu'Oracle ayant acquis une tête de pont sur les marchés du PLM ne s'arrêtera pas là et fera d'Agile Software son fer de lance pour une diversification à la hussarde dans de nouveaux secteurs industriels verticaux et pour une offensive « métier » du PLM dans les autres secteurs où l’éditeur est dominant.

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