vendredi, mars 13, 2009

Deux commémorations et une annonce : de l'intelligence dans le Web ?


Une fois n'est pas coutume, le Turing Award — un peu le prix Nobel de
l'informatique — vient d'être décerné à une pionnière des langages de
programmation et des systèmes distribués, Barbara Liskov. L'honneur
d'être la première femme à recevoir le prix Turing, depuis sa création
en 1966, lui avait été soufflé il y a deux ans par Frances Allen. Mais
elle fut la première femme à obtenir un PhD en Computer Science aux
Etats-Unis. Elle dirige aujourd'hui le groupe Méthodologie de
programmation du Computer Science and Artificial Intelligence
Laboratory
du MIT — le fameux CSAIL.



Ses contributions aux sciences théorique et appliquée de
l'informatique sont nombreuses. Les premières implémentations de
concepts, devenus au fil des années indispensables et inséparables de
tout langage de programmation et de tout système d'exploitation, comme
le timesharing et les types abstraits de données se trouvent dans ses
premiers travaux de recherche le système d'exploitation Venus et le
langage de programmation novateur CLU, respectivement. Son
développement ultérieur du langage et système réparti Argus, toujours
au MIT, devint la référence originelle de tous les travaux ultérieurs
sur les systèmes distribués dont la filiation s'étend de nos jours
jusqu'aux gigantesques datacenters qui servent le Web.



Ce qui tombe à point nommé, puisque par une intéressante concomitance
des commémorations, c'est en mars 1989 — il y a exactement vingt ans
— qu'un consultant informatique au CERN soumettait un document
modestement titré: « *Information Management: A Proposal* » par Tim
Berners-Lee. Je trouve d'ailleurs fascinant dans le schéma hâtivement
griffonné sur la première page, façon croquis à main levée sur un
revers de nappe, une bulle dans laquelle trône en haut à gauche
« Hypercard », le premier logiciel ayant popularisé les liens
hypertexte originalement conçu par Bill Atkinson chez Apple Computer
vers 1987. (Votre serviteur avait d'ailleurs eu, dans sa toute prime
jeunesse californienne, la chance de montrer à ces maîtres de l'équipe
du Mac, les premiers développements de systèmes experts graphiques
réalisés à la NASA sur Macintosh, avec Nexpert — voyez en particulier
la Figure 2 à la fin du document.) Ce vendredi 13 mars 2009, Sir
Berners-Lee était de retour au CERN pour fêter dignement cet
anniversaire d'une « proposition » qui a véritablement changé le
paysage de l'informatique d'aujourd'hui.



Si l'on me permet encore une brève anecdote commémorative, c'est au
début des années 1990, alors que Berners-Lee mettait au point sur sa
machine NeXT toute neuve le premier navigateur-éditeur Web, que dans
une salle voisine je travaillais avec M. De Jonghe à
l'interface graphique de EDH, l'application phare de gestion de
documents du CERN (cette fois avec « Open Interface Toolkit »).
J'aurais peut-être du passer plus de temps à la machine à café...



C'est cependant un autre britannique qui défraye la chronique, Stephen
Wolfram dont l'annonce, publiée la semaine dernière, d'un nouveau
moteur de recherches, Wolfram Alpha, ferait trembler Google ! Wolfram,
plus connu par son génie précoce des mathématiques, concentré dans son
opus major, A New Kind of Science publié en 2002, et par sa fortune
construite sur le logiciel Mathematica, met en émoi la blogosphère en
promettant pour mai un moteur de recherches qui, contrairement à
Google, calculerait intelligemment les réponses aux requêtes plutôt que
de ramener tous les documents pertinents à la
requête. (Taper « quel est le prix du baril de pétrole le 3 février 2007 »
sur Google ramène environ 42.000 réponses alors qu'on n'en veut
qu'une, précisément le prix du baril de pétrole au 3/2/2007, que
Wolfram Alpha serait capable de produire.) Une sorte de Ask Jeeves —
maintenant noyé dans InterActive Corp. depuis 2005— mâtiné de traitement de
langage naturel et d'intelligence artificielle : on trépigne
d'impatience.



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