mercredi, mai 18, 2011

Les naturalistes de l'Open Source au Printemps du Libre


Le « Printemps du Libre », think tank où, précise le site du Conseil national du Libre, les professionnels du logiciel libre et de l'Open Source « débattent librement de 13h30 à 20h », s'est tenu la semaine dernière en prélude au salon Solutions Linux. Co-organisé par le CNLL, le Groupe Thématique Logiciel Libre (GTLL) du pôle Systematic et PLOSS, le réseau des acteurs du Logiciel Libre en Île de France, il visait à faire un état des lieux du Libre, particulièrement en France. Visée ambitieuse et promesse tenue par l'organisation impeccable d'une série d'une douzaine de brèves présentations suivies de débats qui furent parfois animés mais toujours disciplinés.




S'il fallait se réduire aux thèmes essentiels qui agitent aujourd'hui la communauté française, a l'écoute de ces « libres débats », il est patent que les sujets liés à l'organisation et aux business models prédominent. Stéfane Fermigier s'interrogeait sur l'existence et la caractérisation de multiples « écosystèmes du Libre » — une question moins anodine qu'il n'y paraît. Et de fait, d'éminents représentants de cette biodiversité du Libre témoignaient de la vivacité présente au faîte des évolutions techniques du moment : cloud computing avec la liane grimpante phanérophyte Hedera Technology ; l'eau de source (code) du bureau Linux avec l'aquifère DotRiver ; ou encore, l'inépuisable question décennale de l'avenir de Mandriva, notre urodèle hibernant national, espèce en voie de disparition qui semblerait trouver protection et salut dans de nouveaux biotopes au Brésil et en Russie !




Cette question existentielle de l'avenir est apparemment au coeur des interrogations du monde du Libre. Laurent Séguin de l'AFUL et du GTLL abordait la question de front et Patrice Bertrand de Smile orientait le débat sur les relations entre éditeurs, entreprises et communautés, laissant à penser qu'aujourd'hui plane encore une forme d'incompréhension ou, tout du moins, de scepticisme entre le monde du Libre et celui traditionnellement appelé « de l'entreprise ». En contrepoint rassurant, Obeo livrait les recettes du succès de la Fondation Eclipse dans la forme d'organisation qu'elle s'est choisie. La question tourne — trop ? — souvent autour de la conformité des modèles économiques observés aujourd'hui à une idéalité fondatrice de l'Open Source, dont un des messies serait, par exemple, Eric Raymond auteur de l'incunable La Cathédrale et le bazar. (Quoique tout ne soit pas toujours aussi irénique au Walhalla de l'Open Source où vitupère aussi le fulgurant Connochaetes rms appelant à la conflagration du Ragnarök du logiciel !) Il semblerait pourtant que les analyses économiques, maintenant anciennes, des processus caractéristiques des communautés de Josh Lerner et Jean Tirole, comme celles de Yochai Benkler, complétées par le décorticage juridique des enjeux par Eben Moglen, aient fermement rattaché cette question à la Théorie de la firme initiée par Ronald Coase.




Tout ceci était donc bien vert et durable, tout à fait dans l'esprit du temps.




D'autres, ayant probablement surpassé ce Sturm und Drang existentialiste, voient dans le Libre précisément un modèle organisationnel exportable et bénéfique à de nombreux autres secteurs industriels — voire même, le chemin lumineux de la sortie de crise pour quelques uns. Allez, en vrac, dans l'esprit foncièrement optimiste du Commissariat au développement durable : « Le logiciel libre et le développement durable », « Le logiciel libre créateur d'emploi local », « Le logiciel libre et l'innovation managériale », « Le libre dans les pays en voie de développement ». Le Libre, produit bio, altermondialiste et révélation de la croissance verte dont le discours hésiterait soudain entre programme économique pour une autre politique industrielle et prosélytisme zélateur, réminiscent des adynatons sixties de l'Esalen Institute.




À ce propos, le double mouvement de réflexion de ce Printemps du Libre, retour spéculatif, d'ordre mythologique, sur les fondations originelles de la pensée sauvage de l'Open Source, d'une part, et propagation de la doctrine de la foi sur d'autres territoires à convertir dans le mouvement de retour au naturalisme, dans sa déclinaison verte et durable, d'autre part, annoncent les thèmes de la prochaine édition de l'Open World Forum, à Paris en Septembre 2011 : mot d'ordre, Think, Code, Experiment.




Au printemps déjà, en 1956, le Commissaire du bureau central Mao Tsé-toung haranguait : « Que cent fleurs s'épanouissent ! ».



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