vendredi, septembre 01, 2006

Amazon souhaite Joyeux Noël à Google, Yahoo et Microsoft
Dimanche 18 décembre 2005

En cette période de ruées, réelles mais également de plus en plus virtuelles, pour les achats de Noël, beaucoup ne voient dans Amazon qu'un gigantesque centre commercial en ligne. Une annonce récente, passée relativement inaperçue hors des cercles éthérés des blogs, où elle s'est répandue comme une trainée de poudre, enflammant les imaginations, montre qu'Amazon dévoile une ambition bien plus élevée que celle (déjà "borgesienne" dans son esprit) de devenir le magasin en ligne universel.


Comme Google, Yahoo et Microsoft, Amazon se voit aussi comme une plate-forme technologique sur laquelle fleuriront une myriade d'applications et de nouveaux services.


Amazon a annoncé l'ouverture de son glaneur Web Alexa à tout programmeur qui désirerait développer son propre moteur de recherche. (Recommandation à MM. Jeaneney et Chirac : téléchargez l'API, vous gagnerez du temps pour Quaero !)


Flashback ("WayBack" devrais-je dire pour des raisons qui apparaîtront dans un instant) : en 1999 Amazon achetait, à la surprise générale, Alexa Internet, une société fondée trois ans auparavant par Brewster Kahle (l'inventeur du tout premier moteur de recherche WAIS, qu'il revendit à AOL). Alexa Internet compulse et archive l'information relative au trafic de tous les sites du Web : ces statistiques sont disponibles en temps réel sur le site d'Alexa. Mais Kahle avait lancé en parallèle un autre projet, pour le coup proprement borgesien, celui d'archiver tout le Web en aspirant à intervalles réguliers les pages des sites via un glaneur perfectionné. L'Internet Archive ainsi constituée depuis quelques années peut être consultée (www.archive.org) au travers du service Web "Wayback Machine" qui, pour une adresse donnée, extrait des téraoctets obscurs de l'archive, l'aspect des pages telles qu'il se présentait chaque année depuis 1996. Un vrai voyage dans le temps sur le Web !


Amazon avait acquis cette technologie avec le rachat de la société elle-même il y a quelques années. Un peu plus tard elle avait mis en ligne son propre moteur de recherche A9 qui, s'il n'a pas un connu un succès comparable à celui de ses aînés, n'en présente pas moins des possibilités intéressantes en terme de classification et de catégorisation des résultats. De même, chaque fois que l'on cherche un ouvrage sur Amazon, et maintenant, un extrait dans l'indexation plein texte de ces ouvrages, ou un produit sur le site commercial, on utilise le glaneur Alexa et son immense index.


C'est aujourd'hui ce glaneur et tout cet index qui sont mis à la disposition de tous les geeks, nerds et autres programmeurs de la planète pour donner libre cours à leur imagination et à leur appétit "Web2.0".


Pourquoi donc livrer au public une des technologies même qui est au coeur du succès du site Amazon ? Parce qu'aujourd'hui, pour suivre la théorie développée par John Battelle dans son best-seller sur l'histoire de Google, "The Search", chercher et acheter en ligne sont en train de devenir la même chose. Que se passerait-il alors si chaque fois qu'un acheteur se présente en ligne il surfe d'abord vers Yahoo, MSN ou Google pour trouver le produit qu'il cherche plutôt que vers Amazon ? Qui valorise alors le trafic Web ? Comment attirer immédiatement et retenir l'acheteur potentiel le plus directement possible ? Amazon peut, bien sûr, développer son propre moteur de recherche, ce qu'il a plus ou moins fait avec A9, et tenter de dépasser le triumvirat Google-Yahoo-Microsoft (GYM) à son propre jeu. Ou alors tenter un mouvement tactique plus inattendu et encourager massivement les tiers à développer des applications et des services Web qui mettent en oeuvre -- en s'en rendant au passage indissolublement dépendants -- la technologie Amazon.


D'une pierre deux coups : cette tactique ouvre largement le champ du moteur de recherche à la concurrence, réduisant soudain à néant un des coûts d'entrée les plus importants face à GYM, celui de la constitution et de la maintenance de l'index babélien indispensable à tout moteur de recherche. Plus besoin de fermes de serveurs ni d'alignements à l'infini de baies de stockage optique pour lancer son propre moteur de recherche verticalisé, spécialisé, original en un mot et passer de l'idée à la réalisation pratiquement dans l'instant.


Le modèle de prix est également original : on paye à l'usage, 1$ par gigaoctet utilisé et 1$ pour chaque cinquantaine de gigaoctets indexé. Voilà qui évoque Steve Jobs détaillant le 99c par chanson sur iTunes.


Si Amazon réussit ainsi à ramener à lui le précieux trafic Web en instrumentant de nombreuses et vibrantes communautés de développeurs spécialisés, concurrençant de plus, chacune dans son secteur vertical, les trois titans généralistes, n'aura-t-on pas là la plus belle illustration de la théorie de la "Long Tail" de Chris Anderson...

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