Lundi 10 juillet 2006
L’annonce du départ de Jeff Jordan, le président de PayPal, devenu après l’acquisition par eBay en 2002, Senior VP et General Manager des opérations US du site de ventes aux enchères, a précipité cette semaine le titre dans une chute de 5 % au NASDAQ – on parle quand même de presque 2 milliards de dollars évaporés – et entraîné, dans son sillage, un repli des valeurs technologiques. Première réaction, sans doute, à l’annonce du 29 juin de « Google Checkout », le système de paiement en ligne concurrent du géant des moteurs de recherche !
Simultanément, eBay vient de rajouter Google Checkout à la liste des moyens de paiement non acceptés par le site, sur la base que ce service était « neuf et pas encore éprouvé » d’après le porte-parole du site d’enchères. Est-ce que Google va interdire PayPal sur Froogle ? Ce verrouillage ne fait qu’ajouter à la schizophrénie qui caractérise les relations entre Google et eBay.
Google et eBay représentent chacun l’archétype le plus abouti des « business models » gagnants du Web. D’un côté la fonctionnalité de recherche et les revenus de publicité et de liens sponsorisés, de l’autre la fonctionnalité de transactions individuelles et les revenus de commissions et d’hébergement de services. Une monnaie d’échange partagée : le trafic sur le site et sur les réseaux de franchisés. Recherche, échange, les deux géants de l’Internet ont beaucoup en commun.
De fait, eBay est évidemment un des plus gros consommateurs – si ce n’est le plus gros – d’AdWords, le service de Google. Néanmoins, les sujets de fâcheries se sont multipliés au cours des années de croissance des deux grands de l’Internet. Google a lancé Froogle et Google Base que l’on peut considérer comme empiétant sur les plates-bandes d’eBay ; mi-juin eBay a annoncé sotto voce AdContext, un service comparable à AdWords de Google. (Plus spécifique, cependant, dans la mesure où les revenus des clics sont uniquement liés au montant d’une vente éventuelle sur le site eBay.)
Il faut s’attendre à une confrontation de plus en plus directe entre les deux enfants prodiges du Web 1.0. Pour un vendeur, le choix est entre payer Google pour que ma publicité apparaisse sur la page des résultats de recherche, ou bien mettre en vente sur le site eBay, moyennant un « listing fee » et une commission sur le prix de vente final. Chacun des deux sites contrôle aujourd’hui un tel trafic que ces alternatives doivent être examinées au centième de dollar près pour optimiser les budgets de marketing et de promotion en ligne. Au fur et à mesure que ces méga-audiences se construisent, les tarifications de Google et d’eBay vont en s’affinant, proposant des dispositifs optionnels de plus en plus sophistiqués aux annonceurs et aux vendeurs. (Une industrie complète est née autour de l’optimisation des campagnes « pay –per-click » sur Google AdSense et AdWords, par exemple.) Il y a, de plus, un argument économique de rendement d’échelle à loger sous le même toit des services de recherche sur le Web et de marketing en ligne. Tous les géants de l’Internet cherchent à appliquer cette stratégie : Amazon a lancé A9, un moteur de recherche sous sa marque, Yahoo!, MSN et Google se disputent la position de leader, etc.
De là à imaginer des consolidations majeures entre géants…