vendredi, septembre 01, 2006

Kiko qui pleure, Netvibes qui rit !

Mardi 22 août 2006

Alors que de ce côté de l’Atlantique on s’émerveille de la récente levée de fonds de Netvibes – un deuxième tour de €12m piloté par les prestigieux Accel Partners et Index Ventures –, de l’autre on se perd en conjectures sur la disparition de Kiko, une autre startup exemplaire de la génération 2.0.

Kiko, une jeune pousse de Cambridge au Massachusetts, avait tout pour plaire en ces temps de Web 2.0. Qu’on en juge. Voilà un calendrier en ligne, hébergé, gratuit, à l’interface graphique abondamment récurée à l’AJAX et au DHTML, au nombre de comptes utilisateurs en croissance exponentielle, aux revues élogieuses sur les blogs « qui comptent » aujourd’hui comme TechCrunch, Under the Radar, et eHub, affichant plus de 50.000 « hits » sur Technorati, bref la route vers la gloire parsemée de pétales de rose. Coup de théâtre : le même jour, où presque, que l’annonce du déversement de la manne capital-risquée sur Netvibes, les fondateurs de Kiko, Emmett Shear et Justin Kan, jeunes diplômés de Yale, en panne sèche de stratégie de développement pour leur startup annonçaient écoeurés sa mise aux enchères sur le site eBay ! (On peut à ce jour s’en porter acquéreur pour $50.000, ce qui est quand même bien meilleur marché que Netvibes, non ? cf. http://cgi.ebay.com/ws/eBayISAPI.dll?ViewItem&item=120021374185)

Certains commentateurs y lisent les signes avant-coureurs de la fin du Web2.0. D’autres, comme Paul Graham, y éprouvent un sentiment de déjà vu. La chute de la startup Kiko, rappelle-t-il, intervient au lendemain de la mise en ligne de Google Calendar, une application Web supplémentaire dans la suite que le géant de Mountain View construit patiemment, et un calendrier en ligne parfaitement intégré au courrier électronique GMail et aux autres services Web du moteur de recherche protéiforme. C’est donc Google qui tire aujourd’hui avantage d’un effet « Microsoft Office » qui, il y a quelques années, avait permis à Microsoft d’éliminer ses concurrents sur chacun des marchés individuels du traitement de texte, du tableur, etc. Pour rester concurrentiel face à l’envahissant Google, une startup sur le thème du calendrier en ligne devrait donc aussi être capable d’offrir un « webmail » intégré (et les autres services) de qualité comparable à celle de Google, si ce n’est meilleure. Une tâche aux proportions devenues herculéennes en quelques années.

De notre côté, en revanche, joie, joie, pleurs de joie sur tous les blogs ! Netvibes, une jeune pousse parisienne, a tout pour plaire en ces temps de Web2.0. Qu’on en juge. Voilà un agrégateur de flux RSS hébergé, gratuit, ultra-rapide, à l’interface graphique abondamment récurée à l’AJAX et au DHTML, au nombre de comptes utilisateurs en croissance exponentielle, aux revues élogieuses sur les blogs « qui comptent » aujourd’hui comme TechCrunch, Under the Radar, et eHub (aux USA, mazette !), au berceau de laquelle des fées inouïes se sont penchées (Index Ventures, Skype si vous vous en souvenez ; Marc Andreessen, le héros de Netscape ; Pierre Chappaz, notre entrepreneur sériel français à nous – Kelkoo et maintenant Wikio, faut-il le rappeler – prudemment installé en Suisse néanmoins ; Martin Varsavksy, un autre sérieux sériel avec Jazztel, Ya.com et maintenant Fon, montré comme exemplaire, entre autres…), affichant quand même 16.000 « hits » sur Technorati (excellent pour un « frenchie »), bref la recette parfaite du « succès de la startup Web2.0 européenne ».

Voire. Les nouveaux investisseurs sont brutalement américains : Index Ventures est installé en Suisse, juridiquement hors Europe, et Accel Partners, un vétéran de la Silicon Valley dont les médailles d’honneur s’épèlent Actuate, MacroMedia, RealNetworks, Veritas ou UUNet, est un fonds américain avec un bureau à Londres pour couvrir l’Europe (sans avoir à se mêler aux indigènes du continent). Tariq Krim et Freddy Mini, fondateurs managers de Netvibes, se mettent à beaucoup parler d’expatriation aux environs de San Francisco, en dépit du plan « patriotisme économique » renforcé en vigueur dans notre pays depuis près d’un an.

Au passage, on peut également se demander pourquoi aucun investisseur français n’a rejoint ce tour de table, à l’heure où l’on se couvre la tête de cendres en se lamentant au motif que les business angels, anémiés par un régime fiscal sévère, ne s’ingénient pas à transformer des jeunes pousses en gazelles. (Une bien curieuse évolution génétique !) Netvibes me semble, au contraire, un parfait exemple : un actionnariat comptant un fonds de venture international et des « investisseurs providentiels » (en français réglementaire), de surcroît eux-mêmes entrepreneurs en série. Alors, il faut souhaiter très bonne chance à Netvibes et l’encourager dans cette internationalisation de toute manière indispensable.

Et tant pis pour PageFlakes. Et pour Zoozio, Favoor, Eskobo, Goowy et Protopage… Et, ah oui ! Microsoft avec Windows Live (http://www.live.com/) et Google (http://www.google.com/ig) alors ?

Pendant longtemps l’antienne du chant psalmodique des investisseurs en capital risque a été : « ne pas se mettre en travers du chemin de Microsoft ». Voit-on aujourd’hui s’écrire « ne pas se mettre en travers du chemin de Google » aux nouveaux versets de la liturgie Web2.0 ?

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