vendredi, septembre 01, 2006

L'Inde, l'autre géant du software
Lundi 30 janvier 2006

À une cinquantaine de kilomètres au sud de Bhavnagar, dans l’état de Gujarat, Google Earth nous montre une plage paradisiaque s’étendant sur les eaux du golfe de Cambay :




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pour vous en convaincre vous-même. Et cependant, invisible sur les photos satellites – on est bien sur Google Earth, une planète Terre « virtuelle » reconstituée par le géant de Mountain View – le cimetière marin, marchand et militaire, d’Alang étend là ses longues digues bétonnées sous le brouillard toxique des poussières d’amiantes (voir un paysage bien différent de la version rêvée de Google à http://www.uniexpo.net/alang.htm).


Notre vaillant « Clem », chaluté comme un vulgaire banc de sardines par les remorqueurs du Gujarat, vitrine technologique de la France depuis 1961, a donc entamé son dernier périple, moyennant de somptuaires « backshish » à nos amis égyptiens, vers ces Indes mystérieuses qui, il y a quelques siècles à peine, ont séduit les explorateurs européens et donné une impulsion nouvelle au capitalisme naissant d’une Europe conquérante.


Curieux retour des choses : de séduction il n’est plus vraiment question lorsque le Ministre de l’économie et des finances de la France convoque M. Lakshmi Mittal, citoyen indien de passage à Davos en famille avec les grands de ce monde, pour s’expliquer de cette OPA hostile sur un autre fleuron de l’industrie nationale – décidément en berne ces derniers temps – le sidérurgiste naviguant sous pavillon luxembourgeois, Arcelor, une réunion de l’héritage réduit aux acquêts du français Usinor, de l’espagnol Aceralia et du luxembourgeois Arbed.

Arcelor, où luisait jadis le feu rougeoyant des « maîtres de forge » français : Forges et Aciéries du Nord et de l'Est, Hauts Fourneaux, Forges et Aciéries de Denain-Anzin, Sacilor dont l’origine remonte au groupe Wendel, Sollac, Cockerill-Sambre, autant dire un pan entier de l’histoire économique française qui comme le Clem finirait dans un chantier de déconstruction indienne ! Manque d’anticipation pathétique, on aurait oublié d’adjoindre la sidérurgie à la liste des secteurs « sensibles », dits d’intérêt national, chère à Dominique de Villepin ! (Heureusement on a pensé aux casinos…) Par contre, quand le même Arcelor acquiert le canadien Dofasco dans des circonstances comparables – moins cher quand même parce qu’on a moins de moyens ! – pas de psychodrame : la Bourse et le Ministère saluent en fanfare le volontarisme européen.


Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est que le début. Dans le secteur des logiciels, il y a longtemps que les grandes entreprises européennes et américaines sous-traitent en Inde services et développements informatiques. Des SSII géantes ont été aspirées dans les vingt dernières années par ce flux économique croissant de sous-traitance : Tata Consultancy Services, Satyam Computer Services, HCL Technologies, Wipro et Infosys sont devenus des « marques » connues et appréciées des grands comptes. La France et l’Europe sont déjà des terrains de chasse et de développement pour ces grandes SSII. Wipro vient, par exemple, d’acquérir le fabricant de puces autrichien NewLogic installé à Sophia Antipolis. Les autres sont également présentes en Europe depuis longtemps.


Mais plus encore, c’est bien tout le secteur de l’innovation informatique qui est en plein développement en Inde. Les startups se multiplient autour des grands centres de développement offshore à Mumbai, Dehli, Hyderabad, Bangalore ou Trivandrum. Des fonds de capital risque d’origine indienne, souvent montés par des anciens « partners » de fonds de venture capital américains rentrés au pays, ont été levés ces dernières années qui mettent progressivement en place l’écosystème techno-financier de la prochaine vague de jeunes sociétés high-tech indiennes.

Les réseaux entre la Silicon Valley et ces incubateurs indiens se mettent d’ores et déjà en place : The Indus Entrepreneurs, Mentor Partners – un fonds de « seed money » récemment créé –, autant de fonds locaux qui viennent compléter les quelques fonds d’investissement occidentaux qui, timidement, commencent à investir dans les sociétés de haute technologie en Inde. Plus d’un milliard de dollars a été investi en 2004 au capital de jeunes sociétés de croissances indiennes (à comparer à 3,6 milliards pour toute l’Europe entre septembre 2004 et septembre 2005).


L’Inde est donc entrée à grandes enjambées dans la course à l’innovation technologique.

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