jeudi, février 22, 2007

Les hautes technologies facilitent la triche !

Entendez-vous cette petite musique ? Oh ! pour l'instant juste l'aigre tintinnabulement du grelot, à peine audible dans la distance.

En France, sur une chaîne du service public, au journal télévisé du soir, la présentatrice expose les conclusions du tout premier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires - rien que le nom laisse déjà rêveur ! - et donc qui doit marquer les esprits : « 29 à 40 milliards d'euros de fraude fiscale et sociale en France ! ». Plan rapproché sur le visage de la présentatrice qui prend alors un air entendu pour asséner : « les hautes technologies facilitent la triche ». Instantanément, nouveau plan séquence sur notre sémillant ministre délégué au Budget et à la Réforme de l’État devant une forêt de micros tendus ; tirade sur l'inexcusable manque à gagner de la TVA, qui représente le gros (7,3 à 12,4 milliards d'euros) de cette « cavalerie » massive ; silence bref de componction, oeil soudain circonspect, plan à nouveau rapproché sur le ministre « et les sites Internet, en particulier à l'étranger » sont dans le collimateur. Personne ne contredit, tout le monde semble approuver cette évidence aveuglante, adjuvant commode de la pensée électoraliste, les hautes technologies, les sites Internet et surtout étrangers, ne trouvent d'usage que frauduleux, détournant les milliards d'un simple clic !

Il est vrai qu'au même moment, une partie du prix du DVD que j'achète vierge pour y archiver les documents inconséquents que j'ai moi-même bien laborieusement produits, à mon usage unique et personnel, revient via les détours labyrinthiques et bifurquants de la gestion des droits numériques à l'excellente idole des jeunes, dont je ne possède, à mon grand désarroi, aucun enregistrement, pour qu'il le mette diligentement au secret d'un coffre numéroté à Gstaad, bien à l'abri des fraudeurs dont je suis entouré !

Concussion ! Stellionat ! Quels sont donc ces comportements réprimandables et punissables que ces hautes technologies, de sulfureuse réputation, (nous vous avions pourtant mis en garde !) mettent maintenant à la portée de tous ?

Aux États-Unis le Trésor américain, rapporte le Financial Times du même jour, estime à 2 milliards de dollars le montant des taxes, aujourd'hui impayées, si les sites d'enchères en ligne comme eBay avait seulement le patriotisme de dénoncer leurs abonnés ayant à leur compte plus de 100 transactions à $5000. La mesure imposée par l'IRS (Internal Revenue Service, les Impôts outre-Atlantique) devrait avoir force de loi au 1er janvier 2008. Résistance des quatre fers à eBay, seul visé par la directive de l'administration Bush. Le porte-parole du site se plaint amèrement ; perfide il constate que l'injonction ne s'applique pas à d'autres sites comme Craiglist, les petites annonces en ligne, parce qu'il n'utilise pas d'enchères et qu'il met en oeuvre des moyens de paiement différents. Le Trésor américain est moins imaginatif que son homologue français, puisque cette mesure ne s'appliquerait qu'aux utilisateurs américains d'eBay sans relents xénophobes. Mais avec vertu d'exemple à suivre, puisque le UK Revenues and Customs s'est empressé de prescrire aux sujets imposés de sa très Gracieuse Majesté de bien indiquer les revenus engendrés par leurs ventes sur eBay dans leur déclaration, sous la menace de s'exposer à de très lourdes pénalités. On comprend toute l'impatience avec laquelle il nous faut maintenant attendre le prochain rapport du Conseil de prélèvements obligatoires : il y a une idée à creuser.

Mais le plus beau, c'est la finalement la remarque de Barbara Weltmann, conférencière, auteure à succès, invitée permanente des radios et des télévisions, insatiable défenseur des petites et moyennes entreprises américaines et incontestable spécialiste d'eBay (il faut lire son « The Complete Idiot's Guide to Starting an eBay Business »), à propos de l'établissement de cette fameuse liste : « pour eBay c'est pénible, mais faisable ».

Entendez-vous cette petite musique ?

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