vendredi, avril 18, 2008

Microsoft : REMIX 08 dans la Silicon Valley

Au programme de cette journée ensoleillée sur le campus de Microsoft dans la Silicon Valley - cinq bâtiments ultramodernes installés à Mountain View le long de la 101 freeway - REMIX 08, la session de rattrapage de la grand-messe MIX O8 du mois dernier à Las Vegas. Se présentant comme un « best of » condensé des deux journées de la conférence originale du Nevada, la journée était inaugurée par une présentation de la version 2 de Silverlight par Scott Guthrie. Accompagné sur scène des premiers intégrateurs et auteurs d'époustouflantes réalisations pour le site NBC des Jeux Olympiques de Pékin (Schematic, basé à New York) ou pour le Hard Rock Café (Vertigo) - avec, dans cette dernière application, une incroyable démonstration de « DeepZoom » avec Silverlight sur la collection unique d'articles de rock and roll des Hard Rock cafés autour du monde ; ce sont les fameuses interfaces « zoomables » dont Franklin Servan-Schreiber est l'incontestable pionnier français avec Zoomorama.

Mais l'excitation retombait un peu lors des « breakout » sessions, plus techniques, au cours desquelles on comprenait malgré tout l'énorme quantité de travail que représente la réalisation de telles applications Web, même si l'intégration de Visual Studio 2008 et Expression avec Silverlight est parfaite. Le panel « The Open Question » sur l'Open Source laissait ensuite un peu sur sa faim devant la teneur consensuelle des propos tenus sous la férule attentive de Sam Ramji, Directeur de la stratégie « Platform Technology », devant qui on ne peut, de toute évidence, tout dire... Suivait une présentation (trop) rapide de SQL Server Data Services, le précurseur probable d'une migration massive de l'offre du géant de Redmond vers les services hébergés, ici baptisés « Cloud Services » - rien à voir avec la météo, « cloud », le nuage, désignant familièrement Internet ou le Web dans le jargon du geek, un terme employé à l'origine par les opérateurs télécoms. Même message pas très subliminal avec Windows Live Platform, l'itération courante des services communautaires grand public de Microsoft.

Était échue au panel de la fin de journée la lourde tâche d'anticiper « le futur des réseaux sociaux ». Le débat, un peu plus animé que celui, certes plus délicat, qui l'avait précédé sur les modèles Open Source, restait, on l'imagine, assez peu visionnaire. On constatait, sans grande nouveauté, que la question de confiance, êtes vous prêt à livrer des détails personnels en échange de la promesse d'une meilleure qualité de service ? était toujours autant au coeur de la problématique. Un contrepoint, cependant, en forme de boutade prononcée par Dave McClure (ex Paypal et SimplyHired) mais, comme souvent, empreint d'une forme de réalisme : « le principal obstacle à l'expansion des réseaux sociaux n'est pas que les utilisateurs craignent de révéler des informations personnelles mais qu'ils sont incapables de se rappeler de leur mot de passe ! ». Ryan McIntyre, investisseur en capital risque chez Mobius Venture Capital puis chez Foundry Group, appelait à des API ouvertes - l'enfermement propriétaire des réseaux sociaux géants comme Facebook en confrontation directe avec l'initiative d'interopérabilité lancée par Google et d'autres avec Open Social est aujourd'hui le principal sujet de friction entre les différentes chapelles du « graphe social ». Chaque API publiée, disait-il en substance, est un nouveau canal potentiel de distribution, « que fleurissent les API » !

« Que fleurissent harmonieusement les cent fleurs, que rivalisent bruyamment les cent écoles » préconisait déjà le Grand Thimonnier en 1957, sans en imaginer cette nouvelle déclinaison toute virtuelle : alors, attention au Grand bond en avant des réseaux sociaux...

D’ailleurs, le bond en avant n'était peut-être pas à chercher à REMIX 08 mais bien plutôt à l'écart du grand auditorium du bâtiment 1, dans le bâtiment 5 du campus qui héberge les transfuges de Medstory, le moteur de recherche vertical dans le secteur de la santé fondé par Alain Rappaport et acquis par Microsoft en février 2007. C'est ici, qu'en liaison directe avec Craig Mundie à Seattle, s'élaborent la stratégie et les développements de Health Vault, la vision de Microsoft du dossier médical électronique. Le jour même du REMIX 08, le vénérable et on ne peut plus sérieux New England Journal of Medicine publiait deux articles dans une « Perspective » inédite sur Google Health et Health Vault, « the next big thing in medical care », la grande nouveauté dans le suivi médical. Le journal de médecine pose le débat sous les mêmes termes, pratiquement mot pour mot, que les panélistes de REMIX. Les bénéfices attendus d'un dossier médical électronique, sous le contrôle total de l'utilisateur - ce point étant à l'évidence essentiel - contrebalanceraient, d'après les promoteurs de ces initiatives, largement les craintes de certains à l'idée de sauvegarder sur le Web ces données par essence personnelles. HealthVault est disponible seulement aux Etats-Unis et offre le moteur de recherches Medstory, un service où l'on peut envoyer quelques données médicales de base (utiles aux urgences, par exemple), et un service de lecture et d'archivage automatique des résultats de tests issus de certains appareils de diagnostic compatibles (tension, rythme cardiaque, niveau de glucose, etc.). Le New York Presbyterian Hospital travaille avec Microsoft sur l'échange sécurisé de données en vue de l'élaboration d'un prototype et de formats standard. Google Health n'est pas encore disponible ; seul un programme pilote est en cours avec la Cleveland Clinic.

Le NEJM est prompt à remarquer que si l'on attend de tels systèmes des économies dans les systèmes de santé et que l'on espère une meilleure qualité du suivi des soins - sous nos cieux hexagonaux le sénateur UMP Gérard Larcher vient de remettre à Nicolas Sarkozy un nouveau rapport proposant également une rationalisation du système français de soins hospitaliers - ces Health Web Services ne sont pas sans poser de nouveaux problèmes. (Notamment que ces données, sauvegardées hors des systèmes de santé à proprement parler, ne tombent donc pas sous l'aile protectrice des données personnelles établie par le HIPAA, Health Insurance Portability and Accountability Act, la réglementation fédérale qui régit l'usage des données médicales.) Menace ou promesse, la question de la confiance se pose également et peut-être de manière plus aiguë encore dans cette forme de réseau social de santé.

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