vendredi, avril 10, 2009

Liste noire


Dans l'encyclopédie naissante, reflet de ce siècle qui s'annonce comme
celui renouvelé des Lumières de l'économie et dont le titre, « Le
Capitalisme mondial du Savoir éclairé », pourrait être emprunté à
Borges, devrait figurer une classification des noirceurs appliquées
aux listes. La doxa de la noirceur dont le bourgeonnement actuel
s'opère au rythme spasmodique et irrégulier des réunions incantatoires
des grands financiers d'Etat de la planète prolonge — même si les
communiqués de presse consensuels et les déclarations soft ne le
clament pas explicitement — la critique anti-newtonienne du XVIIème
siècle, les théories de la couleur du Moyen Age et celles de
l'Antiquité : la modification de la lumière par l'obscurité.




  • la Liste noire des paradis fiscaux, naguère peuplée du Costa-Rica,
    des Philippines et de la Malaisie, aujourd'hui déserte : c'est le
    résultat majeur d'un G20 confusément réuni dans un Londres
    bunkerisé comme aux meilleures heures des pluies de V2.


  • Liste noire des transporteurs aériens faisant l'objet d'une
    interdiction d'exploitation générale dans la communauté européenne,
    reprenant les critères de « sécurité, transparence et qualité »
    imaginés par le gouvernement Villepin aux derniers mois de 2006.


  • Liste noire de personnalités censées avoir donné des informations
    diffamatoires aux médias étrangers dans le but de noircir l’image
    de la Hongrie, publiée en novembre 2000. La Hongrie qui figurait
    encore il y a peu sur la :


  • Liste noire du blanchiment du GAFI (Groupe d'action financière sur
    le blanchiment de capitaux) qui rend régulièrement publique une
    liste de pays et territoires hospitaliers à l'argent sale et
    non-coopératifs dans la lutte contre le blanchiment.


  • Liste noire des néophytes (les plantes exotiques introduites depuis
    1500 apr. J.-C. se reproduisant à l'état sauvage) envahissantes de
    Suisse qui causent actuellement des dommages au niveau de la
    diversité biologique, de la santé et/ou de l'économie. La présence
    et l'expansion de ces espèces doivent évidemment être
    empêchées. L'introduction des autorités américaines interrogeant
    fermement UBS sur le secret bancaire pourrait-elle tomber sous
    la qualification de « néophyte envahissant » ?


  • Liste noire, voire nosocomiale, des hôpitaux exclus du palmarès de
    « la surveillance du site opératoire ».


  • Liste noire de la Commission d’enquête parlementaire sur les
    sectes : créée en 1995, elle dressa une liste de 172 mouvements
    philosophiques, spirituels et religieux qu’elle catalogua comme
    sectes.


  • Listes noires innombrables de sites Web inappropriés ou jugés
    inadéquats par les autorités nationales donnant inévitablement lieu
    à d'édifiants démêlés : en Australie, en Tunisie, à

    Cuba, en Iran, en Chine et en France.


  • Liste noire des adresses IP sources de spam sur la Toile.


  • Liste noire des espèces invasives du Global Invasive Species
    Program (le GISP).


  • Liste noire des composés chimiques de la Convention de Stockholm
    sur les polluants organiques persistants (les POP).


  • Liste noire des vaisseaux qui ont participé à une pêche au-delà des
    quotas négociés dans les eaux internationales d'espèces soumises à
    la réglementation des eaux sous juridiction des pêcheries
    norvégiennes.


  • Liste noire des artistes des HUAC Hearings de 1947 en plein
    maccarthyisme.


  • Liste noire des livres interdits en Corée du Nord, séditieux ils
    porteraient atteinte aux valeurs morales des militaires


  • Liste noire des OGM de GreenPeace.




C'est ainsi que se peignent les divers degrés du Principe de
Précaution, achromatique et constitutionnel. Il convient, en effet,
d'employer le ton rabattu en toute occasion. (On rabat une couleur en
y ajoutant du noir. Elle devient donc plus foncée. Rabattre une
couleur, c'est lui enlever de sa luminosité, atténuer son intensité en
y mettant sa complémentaire, on obtient alors une teinte.) Ainsi des
couleurs du monde en temps saturés de crise et d'inquiétudes
durables... Au début du XIXème siècle, Johann Wolfgang von Goethe dans
le Farbenlehre énonçait : « la saturation exprime non seulement
l’éloignement du blanc, mais aussi l’éloignement du noir. Dans une
définition générale, la saturation exprime l’éloignement des valeurs
grises, achromatiques. ».



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