Red Hat, le champion du logiciel libre, veut quitter le NASDAQ où il est côté depuis fin 2001 (avec une capitalisation de 3,34 milliards de dollars ce jour) et a demandé son transfert au New York Stock Exchange, jugé plus respectable et surtout susceptible de diminuer la volatilité du cours de l'action RHAT, dixit le CFO, Charlie Peters. S'il est accepté par les autorités de marché, le transfert pourrait être effectué dès le 12 décembre.
Pour les prédateurs de la finance voilà qui sent la bête traquée ! Revenons à fin octobre 2006 : l'annonce impromptue d'Oracle de sa distribution « Unbreakable Linux », basée sur une version dégraissée de Red Hat Linux, prend tout le monde par surprise, et Red Hat le premier. Red Hat choisit alors de répondre mot pour mot au géant de l'édition et espère ainsi rassurer ses clients comme ses investisseurs. Dans sa campagne baptisée « Unfeakable Linux » (clin d'oeil appuyé !), ou Linux infalsifiable, il entend contrer le « Unbreakable Linux », ou Linux incassable, dévoilé par Oracle. Jouant sur toute la palette des sentiments, Red Hat a immédiatement ostracisé cette distribution Oracle, qualifiée de « fork » - qui est le terme politiquement correct dans le monde de l'Open Source pour signifier l'ouverture d'une brèche dans le front commun entre deux clans irrémédiablement ensuite engagés dans une fratricide confrontation. Oracle ayant annoncé son intention de procéder à moyen terme à une optimisation de la distribution Red Hat Linux, une branche qui ne sera donc plus supportée par Red Hat mais par Oracle. Cela signifie que les mises à jour officielles de la distribution Red Hat Linux ne seront plus 100% compatibles avec cette future distribution Oracle. De même pour le matériel certifié ou les liens entre Red Hat Linux et les applications connexes comme Global File System, JBoss, Hibernate ou Directory Server.
Mais le marché est têtu. Les analystes jugent favorablement la manoeuvre d'Oracle visant à casser à son bénéfice le lien entre Linux et bases de données Open Source comme MySQL et PostgreSQL. Moralité spectaculaire : l'action Red Hat perdait 24% le jour même de l'annonce ! Panique sous le Fedora rouge : les dirigeants de Red Hat se lancent l'éditeur à corps perdu dans un programme de rachat de ses propres titres en Bourse, à hauteur de 325 millions de dollars, priant pour éloigner la perspective d'un rachat à vil prix par la boulimique entreprise de Larry Ellison.
Comme un fait exprès, une semaine plus tard Novell et Microsoft rendaient public un partenariat, que certains jugent contre nature, assurant « l'interopérabilité » des produits de l'éditeur de Redmond et de SuSE en particulier. Plus intéressant, l'accord stipule que Microsoft et Novell s'engagent à ne pas se poursuivre l'un l'autre en justice sur les brevets liés à leurs propriétés intellectuelles respectives. Dans les annexes légales, Microsoft s'engage également à ne pas entamer de poursuites en propriété intellectuelle à l'encontre des clients Linux bona fide de Novell. Mais pas contre les autres ! Dans lesquels il faut, en premier lieu, inclure évidemment tous les clients de la distribution Red Hat Enterprise Linux. Le pacte de non-agression avec Novell aurait alors pour résultat de marginaliser plus encore Red Hat. Il est d'ailleurs applaudi des deux mains par les mêmes qui sont précisément attaqués par SCO sur les supposées infractions à la propriété intellectuelle dans les distributions Linux qu'ils proposent.
Dans une lettre ouverte à la communauté Open Source Microsoft et Novell dressent le tableau idyllique ce cette nouvelle ère qui s'ouvre pour Linux. Touchant au lyrisme, son texte se veut inspirateur pour la communauté :
« More importantly, Microsoft announced today that it will not assert its patents against individual, non-commercial developers. Novell has secured an irrevocable promise from Microsoft to allow individual and non-commercial contributors the freedom to continue open source development, free from any concern of Microsoft patent lawsuits. That's right, Microsoft wants you to keep hacking »
(« Plus important encore, Microsoft a annoncé aujourd'hui qu'il ne ferait pas jouer ses brevets contre les développeurs individuels, à vocation non commerciale. Novell s'est assuré d'une promesse irrévocable de Microsoft de laisser aux contributeurs individuels, non commerciaux la liberté de poursuivre leurs développements Open Source, libérés de tout souci de poursuites judiciaires sur les brevets. C'est pour de vrai : Microsoft veut que vous continuiez à programmer. »)
Et juste percevoir les royalties !
« Microsoft will make a onetime upfront payment to Novell for the cross licensing deal. Moving forward, Novell will pay a fee for each Suse support contract that it sells. »
(« Microsoft effectuera un paiement libératoire à Novell pour l'exploitation croisée des licences. Dorénavant, Novell versera à Microsoft une commission pour chaque contrat de support SuSE qu'il aura vendu. »)
L'irrévocabilité des promesses n'engageant que ceux qui les écoutent, nous n'avons pas de commentaire à faire sur cette déclaration, somme toute, paternaliste et bienveillante. « Hackez bien ! Microsoft veille ». Tant qu'on parle de SuSE...Pour les autres distributions c'est une autre affaire. La position actuelle de Red Hat fait de plus en plus penser à celle de Netscape Communications en 1996, au moment même où Microsoft « embrassait et étendait Internet ».
Loin de nous ces intentions semble vouloir plaider un « Nouveau Microsoft », à la une de Business Week cette semaine (« The Soul Of A New Microsoft »). Préparant l'ère post-Gates du géant, l'article central est consacré à la nouvelle génération de Jeunes Turcs de l'éditeur responsables des développements récents comme ceux de la Xbox et de Zune, bien loin des supposées tortueuses attaques contre Linux. Il est vrai que M. Allard qui dirige la division Zune n'a pas osé critiquer l'iPod comme M. Ballmer n'hésite pas à le faire de Linux en le qualifiant soit de « cancer » soit de « communisme rampant » ! Mais tout ça c'était avant les bras grand ouverts à Novell. Quoique. M. Ballmer a salué l'accord comme l'aveu que Linux contenait bien de la propriété intellectuelle appartenant à Microsoft, déclenchant une réponse aigre-douce de M. Hovsepian, CEO de Novell, le 20 novembre dernier sous forme d'une nouvelle lettre ouverte à la communauté Open Source - décidément soumise à un courrier incessant.
Plus radical, Bruce Perens, un des gourous de la communauté Open Source (il était « project leader » de Debian), révulsé par l'accord Microsoft-Novell a lancé une pétition sur le Web pour rappeler à la raison M. Hovsepian. Pour M. Perens, l'accord est un contournement de la licence GPL à laquelle Novell s'était ralliée et sur laquelle il s'était engagé. (Je n'ai pas vu le mot « irrévocable » mais l'esprit y est quand même.) M. Perens attire à juste titre l'attention sur la prise de position récente de Novell en faveur des brevets logiciels - en particulier à Bruxelles - ce qui en fera certainement le fidèle allié de Microsoft dans ses propres démêlés avec la Commission, maintenant que l'encre du pacte est sèche. De son côté le père fondateur, Richard Stallman, s'exprimant de Tokyo la semaine dernière à la 5ème Conférence internationale sur la GPLv3, assurait, dans le style unique qui est le sien, que la version 3 de la licence GPL ne permettrait plus que ce type d'accord se produise à l'avenir.
Alors, pourchassé d'un côté par Oracle, de l'autre par Microsoft, Red Hat n'a d'autre salut que dans le mouvement rapide.
lundi, novembre 27, 2006
vendredi, novembre 24, 2006
Google et Microsoft se disputent Office 2.0
Le ton monte chez Google contre Microsoft et, en particulier, sa suite Office. Il est notoire que Google se distingue de ses grands concurrents que sont Yahoo! et Microsoft par une frénésie récente d'acquisitions de jeunes pousses, souvent à peine écloses (et à des prix parfois stratosphériques). Dans la série d'acquisitions, à ce sujet voir le superbe « mashup » présentant une vue comparée des acquisitions des trois grands du Web à http://www.shmula.com/blog/timelines/google-microsoft-yahoo/g-y-m.htm, Writely, GTalkr, JotSpot et récemment encore iRows sont directement liées à une stratégie d'enrichissement d'une gamme d'applications en ligne de bureautique comportant déjà GMail, Google Calendar, Google Spreadsheets, etc.
À l'occasion de la conférence Web 2.0 Summit d'O'Reilly Media, il y a quelques semaines, Eric Schmidt, le CEO de Google, avait tenu des propos plutôt modérés à l'occasion du lancement de Google Spreadsheets. Positionné comme ciblant les « casual users », par opposition aux forcenés d'Excel, Google Spreadsheets, expliquait Eric Schmidt, n'a pas vocation à entrer en concurrence frontale avec le tableur de Microsoft. Il n'empêche... Le rachat de iRows, quelques jours à peine après le lancement du produit interne de Google, montre que l'histoire n'est pas encore terminée sur ce front.
En revanche, changement de style dans l'article du même Eric Schmidt publié par le très respectable hebdomadaire économique The Economist, dans son numéro spécial annuel The World In 2007. Sous le titre « Don't bet against the internet » (« Ne pariez pas contre l'Internet »), il livre un réquisitoire vigoureux et à peine voilé contre Microsoft. Les progiciels et les applications d'entreprises client-serveur que nous connaissons et pratiquons sont abondamment fustigées, reléguées au rang de « yesterday's solutions », les solutions de jadis qui seraient carrément inadaptées au bouleversement provoqué par Internet. En 2007, prédit il, nous serons témoins de la domination croissante des standards ouverts d'Internet, qui balaieront les offres propriétaires. Suit un plaidoyer, parfaitement dans l'air du temps, pour le nouveau modèle des applications Web en ligne qui réinventent la bureautique en partant des utilisateurs.
Dans un paragraphe laudatif sur les perspectives des nouvelles technologies LAMP et Ajax, Eric Schmidt cite comme exemples à suivre : « Google, MySpace, YouTube, GMail, Yahoo! et Microsoft Live ». Notez l'ordre de classement ! Et « certaines ne sont pas encore entrées dans leur adolescence » s'empresse-t-il d'ajouter : on voit bien qui est visé. On croirait entendre Jim Barksdale, CEO de Netscape Communications de 1995 à 1999, lors de ses auditions au Congrès américain lors du procès pour abus de monopole contre Microsoft.
Plus loin, Eric Schmidt affirme « Today we live in the clouds », un véritable mot d'ordre : « aujourd'hui nous vivons dans le cyber-espace ». Nos applications et les services dont nous avons besoin sont hébergés dans le nuage diffus, sans centre et sans limite du Web. « The network will truly be the computer » conclut-il laissant éclater son passé de CTO de Sun Microsystems, encore pas si éloigné semble-t-il.
Microsoft n'a pas tardé à répliquer dans un article saignant d'Antoine Leblond, Corporate VP, Office Productivity Applications. Dans une interview donnée à Reuters il explique que l'argumentation fondée sur la satisfaction de 80 % des besoins des utilisateurs, dirigé contre la suite Office du géant de Redmond, avait été déjà entendu maintes fois par le passé et n'avait, au final, jamais porté. Sa réincarnation « en-ligne », aux mains de Google, n'en était, selon lui, qu'un énième avatar ne portant pas plus à conséquence que les précédents. Et après tout, OpenOffice existe également depuis longtemps sans avoir encore significativement amoindri les revenus tirés de la suite Office (1/3 des revenus de Microsoft environ). La sortie d'Office2007 l'année prochaine, point qui n'a évidemment pas échappé à Schmidt, doit au contraire illustrer l'approche « software + services » de Microsoft qu'il oppose aux applications totalement hébergées comme services Web. Dans cette architecture, le PC fonctionne « en tandem » avec des services Web distants, façon de redistribuer un rôle au client lourd qui a fait les riches heures de l'éditeur.
Finalement la confrontation entre Google et Microsoft est bien traditionnelle. Les arguments et contre-attaques résonnent comme dans les années 80 et 90. Que l'on gratte un peu la surface du discours d'Eric Schmidt, qui a fait ses classes précisément dans cette période, et l'on voit resurgir les slogans d'un McNealy vintage 1985 ou d'un Barksdale vintage 1995. Que l'on écoute la défense de Microsoft, et l'on entend des références aux années « client-serveur », aux applications dites « mission critical » ou encore « old school », ce qui rappelle furieusement la querelle des anciens et des modernes durant les années 80-90. Où est la nouveauté là-dedans ?
Pendant ce temps-là, la première édition d'une conférence « Office 2.0 » organisée à l'instigation de IT Redux vient de se terminer à San Francisco. Elle réunissait les obscurs et les sans-grade de l'édition du logiciel, à comprendre non pas péjorativement mais bien comme qualifiant les véritables artisans du changement, tous passionnés de Web 2.0 et de nouvelles technologies du Web. La « base de données Office 2.0 » qui recense, à l'issue de la conférence, les acteurs de cette mutation (http://itredux.com/office-20/database/) comporte déjà plus de 350 noms ! Peut-être est-ce là qu'il faut chercher l'innovation ?
En attendant, le cours de Google (NASDAQ:GOOG) a dépassé $500 ! Une capitalisation de de 155 milliards de dollars.
À l'occasion de la conférence Web 2.0 Summit d'O'Reilly Media, il y a quelques semaines, Eric Schmidt, le CEO de Google, avait tenu des propos plutôt modérés à l'occasion du lancement de Google Spreadsheets. Positionné comme ciblant les « casual users », par opposition aux forcenés d'Excel, Google Spreadsheets, expliquait Eric Schmidt, n'a pas vocation à entrer en concurrence frontale avec le tableur de Microsoft. Il n'empêche... Le rachat de iRows, quelques jours à peine après le lancement du produit interne de Google, montre que l'histoire n'est pas encore terminée sur ce front.
En revanche, changement de style dans l'article du même Eric Schmidt publié par le très respectable hebdomadaire économique The Economist, dans son numéro spécial annuel The World In 2007. Sous le titre « Don't bet against the internet » (« Ne pariez pas contre l'Internet »), il livre un réquisitoire vigoureux et à peine voilé contre Microsoft. Les progiciels et les applications d'entreprises client-serveur que nous connaissons et pratiquons sont abondamment fustigées, reléguées au rang de « yesterday's solutions », les solutions de jadis qui seraient carrément inadaptées au bouleversement provoqué par Internet. En 2007, prédit il, nous serons témoins de la domination croissante des standards ouverts d'Internet, qui balaieront les offres propriétaires. Suit un plaidoyer, parfaitement dans l'air du temps, pour le nouveau modèle des applications Web en ligne qui réinventent la bureautique en partant des utilisateurs.
Dans un paragraphe laudatif sur les perspectives des nouvelles technologies LAMP et Ajax, Eric Schmidt cite comme exemples à suivre : « Google, MySpace, YouTube, GMail, Yahoo! et Microsoft Live ». Notez l'ordre de classement ! Et « certaines ne sont pas encore entrées dans leur adolescence » s'empresse-t-il d'ajouter : on voit bien qui est visé. On croirait entendre Jim Barksdale, CEO de Netscape Communications de 1995 à 1999, lors de ses auditions au Congrès américain lors du procès pour abus de monopole contre Microsoft.
Plus loin, Eric Schmidt affirme « Today we live in the clouds », un véritable mot d'ordre : « aujourd'hui nous vivons dans le cyber-espace ». Nos applications et les services dont nous avons besoin sont hébergés dans le nuage diffus, sans centre et sans limite du Web. « The network will truly be the computer » conclut-il laissant éclater son passé de CTO de Sun Microsystems, encore pas si éloigné semble-t-il.
Microsoft n'a pas tardé à répliquer dans un article saignant d'Antoine Leblond, Corporate VP, Office Productivity Applications. Dans une interview donnée à Reuters il explique que l'argumentation fondée sur la satisfaction de 80 % des besoins des utilisateurs, dirigé contre la suite Office du géant de Redmond, avait été déjà entendu maintes fois par le passé et n'avait, au final, jamais porté. Sa réincarnation « en-ligne », aux mains de Google, n'en était, selon lui, qu'un énième avatar ne portant pas plus à conséquence que les précédents. Et après tout, OpenOffice existe également depuis longtemps sans avoir encore significativement amoindri les revenus tirés de la suite Office (1/3 des revenus de Microsoft environ). La sortie d'Office2007 l'année prochaine, point qui n'a évidemment pas échappé à Schmidt, doit au contraire illustrer l'approche « software + services » de Microsoft qu'il oppose aux applications totalement hébergées comme services Web. Dans cette architecture, le PC fonctionne « en tandem » avec des services Web distants, façon de redistribuer un rôle au client lourd qui a fait les riches heures de l'éditeur.
Finalement la confrontation entre Google et Microsoft est bien traditionnelle. Les arguments et contre-attaques résonnent comme dans les années 80 et 90. Que l'on gratte un peu la surface du discours d'Eric Schmidt, qui a fait ses classes précisément dans cette période, et l'on voit resurgir les slogans d'un McNealy vintage 1985 ou d'un Barksdale vintage 1995. Que l'on écoute la défense de Microsoft, et l'on entend des références aux années « client-serveur », aux applications dites « mission critical » ou encore « old school », ce qui rappelle furieusement la querelle des anciens et des modernes durant les années 80-90. Où est la nouveauté là-dedans ?
Pendant ce temps-là, la première édition d'une conférence « Office 2.0 » organisée à l'instigation de IT Redux vient de se terminer à San Francisco. Elle réunissait les obscurs et les sans-grade de l'édition du logiciel, à comprendre non pas péjorativement mais bien comme qualifiant les véritables artisans du changement, tous passionnés de Web 2.0 et de nouvelles technologies du Web. La « base de données Office 2.0 » qui recense, à l'issue de la conférence, les acteurs de cette mutation (http://itredux.com/office-20/database/) comporte déjà plus de 350 noms ! Peut-être est-ce là qu'il faut chercher l'innovation ?
En attendant, le cours de Google (NASDAQ:GOOG) a dépassé $500 ! Une capitalisation de de 155 milliards de dollars.
samedi, novembre 18, 2006
Le réveil de JavaScript
La communauté JavaScript est particulièrement active ces derniers temps. Le succès du concept « Ajax », dans lequel le langage JavaScript joue un rôle prééminent, n'y est évidemment pas pour rien. Comme le rappelle Wikipedia, JavaScript a été développé par Brendan Eich, alors à Netscape, d'abord sous les noms de « Mocha » puis de « LiveScript » et enfin de JavaScript, à peu près au même moment où Netscape adoptait Java en décembre 1995. Malgré la similitude des noms, JavaScript n'a que peu à voir avec Java, si ce n'est peut-être dans la syntaxe, héritée dans les deux cas de celle du langage de programmation C. À ce sujet, je me souviens d'une présentation laborieuse de la version 2 de Netscape dans un amphi surchauffé du Tech Museum of Innovation de San Jose en 1996, dans laquelle régnait une confusion absolue entre applets Java, pages HTML et scripts LiveScript/JavaScript et leur association à LiveWire et LiveConnect ! (Pour ajouter à la confusion, le langage de script utilisé dans Internet Explorer est un dialecte très proche appelé JScript, une implémentation en propre de Microsoft.) Netscape soumit JavaScript à l'ECMA International - une émanation de l'European Computer Manufacturers Association, un organisme de standardisation d'origine européenne, créé en 1961 - afin de ratifier ses spécifications comme standard. La première édition de la norme ECMA-262 fut adoptée en 1997 et le langage normalisé s'appelle ECMAScript.
En dehors de son application traditionnelle pour l'animation de pages Web sur le poste client, JavaScript est également embarqué dans certains autres produits comme, en particulier, Adobe Acrobat et Adobe Reader et ceux de la fondation Mozilla (qui a elle-même hérité de beaucoup des développements de Netscape). La semaine dernière, Adobe et Mozilla ont annoncé la mise en commun de leurs travaux de développement de ces implémentations de la norme ECMAScript.
Pour Adobe, c'est une annonce importante puisque son langage ActionScript, dérivé de la norme ECMAScript mais recentré sur les notions de « film » et d'événements, est au coeur de Flash Player, récupéré dans l'acquisition de Macromedia - qui l'avait elle-même reçu dans l'acquisition de la jeune pousse FutureWave Software au début des années 1990. En le partageant avec la fondation Mozilla, ActionScript devient effectivement Open Source. L'objectif du projet, baptisé Tamarin, est d'implémenter la version finale du langage ECMAScript Edition 4 (ES4) qui sera utilisée dans SpiderMonkey, la prochaine génération de moteur JavaScript embarqué dans Firefox et dans les autres projets Mozilla. Annoncé conjointement par Adobe et la fondation Mozilla, Tamarin sera hébergé par Mozilla sous la même triple licence MPL/GPL/LGPL que les autres projets Mozilla. Le code continuera d'être utilisé par Adobe dans la machine virtuelle Action Script de son Flash Player. Pour Adobe, c'est une démarche de standardisation du langage qui le motive. Il ne s'agit en aucun cas de mettre tout Flash en Open Source, ActionScript n'est que le langage de script de Flash. A terme, il est probable que le Flash Player et le projet Apollo (client riche qui combine Flash et Acrobat) utiliseront un langage standard se rapprochant d'ECMASCript 4 et bénéficieront des développements de la communauté. Pour autant, ce n'est pas qu'un simple abandon du code source à la communauté, Adobe a déjà détaché 7 développeurs au projet dont le concepteur de la machine virtuelle.
Entre-temps, Brendan Eich, devenu CTO de Mozilla, et ses équipes n'étaient pas restés inactifs quoiqu'éloignés des feux de l'actualité depuis 1999 - la création de Mozilla avait été vécue par certains des employés de Netscape, vendu à l'encan, comme un renoncement aux ambitions originelles de « changer le monde » de la startup vedette rattrapée par Microsoft. En fait, il fallut beaucoup de travail et une dose massive de persévérance à la fondation pour sortir la version 1.0 de Mozilla en juin 2002, socle sur lequel les applications Firefox et Thunderbird sont basées. Le succès qu'a connu Firefox, en particulier, a redonné esprit de conquête et lettres de noblesse à l'équipe. Avec une nouvelle vigueur, Brendan Eich lance aujourd'hui Mozilla 2.0, un effort de mise à jour majeur de la base de code Mozilla, avec en vue une échéance de livraison en 2008.
Dans Mozilla 2.O, on devrait trouver une nouvelle machine virtuelle JavaScript, offrant une forme de compilation au vol (Just In Time ou JIT, comme celle que l'on emploie pour le code Java) et surtout conforme à la nouvelle norme très attendue d'ECMA International, ES4 - aussi connue sous le nom JavaScript 2.0. Au menu, un ramasse-miettes, une accélération des appels de méthodes et une sécurité renforcée. Nouveau coup d'accélérateur à Firefox et à Ajax en prévision !
JavaScript 2.0 est encore l'objet de débats animés dans la communauté. Les appels à la modération et à ne rien changer dans les spécifications, compte tenu du nombre de pages Web saupoudrées de scripts 1.0, se succèdent aux mots d'ordres révolutionnaires cherchant à mettre radicalement fin à toutes les « faiblesses », avérées ou non, du langage. Aujourd'hui, les révolutionnaires auraient plutôt le dessus et la nouvelle norme s'éloignera, en plusieurs endroits très visiblement, de la norme actuelle. Elle nous promet un nouveau système de types plus strict (avec classes et interfaces en plus des types dynamiques caractéristiques de JavaScript), un mécanisme de « packages » pour des applications à plus grande échelle, des nouvelles constructions (blocs, générateurs, itérateurs à la Python...) toutes nouveautés envisagées comme essentielles pour le succès de la prochaine étape de développement du Web jusqu'en 2010. (Pour les curieux de technologie, voir la présentation de Brendan Eich le printemps dernier sur JS2 à http://developer.mozilla.org/presentations/xtech2006/javascript/)
Cette évolution de la norme est à mettre en parallèle avec celle de XBL (XML Binding Language) au W3C, une spécification qui décrit comment associer des événements et des comportements à des éléments XML. Avec XBL on peut, par exemple, changer au vol l'ordre dans lequel est présenté le contenu des pages HTML ou encore associer aux différents constituants d'une page les scripts pour gérer les interactions avec les utilisateurs. La combinaison de JavaScript 2.0 et de XBL2 transformera alors le navigateur en véritable serveur d'application côté client. C'est un des objectifs implicites de la fondation Mozilla dans la nouvelle aventure qu'elle entame.
Pour conclure, notons que JavaScript a essaimé hors du navigateur client depuis 1996. Il existe en effet des implémentations dites « server-side » de JavaScript qui peuvent être utilisées pour des programmes généraux, sans lien avec le Web. En plus de SpiderMonkey, une implémentation en C, Mozilla poursuit également le développement de Rhino, une implémentation en Java du langage JavaScript. Ces moteurs sont la base d'outils atypiques comme Resin Servlet Runner, dans lequel les pages JSP sont remplacées par des pages JavaScript, et comme ces serveurs Web tels Rhinola, Helma, Phobos de Sun, Whitebeam et d'autres où les scripts JavaScript sont exécutables sur le serveur avant la transmission de la page au navigateur. Pour les a« accros » il est donc possible de développer ses applications Web en tout-JavaScript, une pierre dans le jardin de Ruby et Ruby On Rails ?
En dehors de son application traditionnelle pour l'animation de pages Web sur le poste client, JavaScript est également embarqué dans certains autres produits comme, en particulier, Adobe Acrobat et Adobe Reader et ceux de la fondation Mozilla (qui a elle-même hérité de beaucoup des développements de Netscape). La semaine dernière, Adobe et Mozilla ont annoncé la mise en commun de leurs travaux de développement de ces implémentations de la norme ECMAScript.
Pour Adobe, c'est une annonce importante puisque son langage ActionScript, dérivé de la norme ECMAScript mais recentré sur les notions de « film » et d'événements, est au coeur de Flash Player, récupéré dans l'acquisition de Macromedia - qui l'avait elle-même reçu dans l'acquisition de la jeune pousse FutureWave Software au début des années 1990. En le partageant avec la fondation Mozilla, ActionScript devient effectivement Open Source. L'objectif du projet, baptisé Tamarin, est d'implémenter la version finale du langage ECMAScript Edition 4 (ES4) qui sera utilisée dans SpiderMonkey, la prochaine génération de moteur JavaScript embarqué dans Firefox et dans les autres projets Mozilla. Annoncé conjointement par Adobe et la fondation Mozilla, Tamarin sera hébergé par Mozilla sous la même triple licence MPL/GPL/LGPL que les autres projets Mozilla. Le code continuera d'être utilisé par Adobe dans la machine virtuelle Action Script de son Flash Player. Pour Adobe, c'est une démarche de standardisation du langage qui le motive. Il ne s'agit en aucun cas de mettre tout Flash en Open Source, ActionScript n'est que le langage de script de Flash. A terme, il est probable que le Flash Player et le projet Apollo (client riche qui combine Flash et Acrobat) utiliseront un langage standard se rapprochant d'ECMASCript 4 et bénéficieront des développements de la communauté. Pour autant, ce n'est pas qu'un simple abandon du code source à la communauté, Adobe a déjà détaché 7 développeurs au projet dont le concepteur de la machine virtuelle.
Entre-temps, Brendan Eich, devenu CTO de Mozilla, et ses équipes n'étaient pas restés inactifs quoiqu'éloignés des feux de l'actualité depuis 1999 - la création de Mozilla avait été vécue par certains des employés de Netscape, vendu à l'encan, comme un renoncement aux ambitions originelles de « changer le monde » de la startup vedette rattrapée par Microsoft. En fait, il fallut beaucoup de travail et une dose massive de persévérance à la fondation pour sortir la version 1.0 de Mozilla en juin 2002, socle sur lequel les applications Firefox et Thunderbird sont basées. Le succès qu'a connu Firefox, en particulier, a redonné esprit de conquête et lettres de noblesse à l'équipe. Avec une nouvelle vigueur, Brendan Eich lance aujourd'hui Mozilla 2.0, un effort de mise à jour majeur de la base de code Mozilla, avec en vue une échéance de livraison en 2008.
Dans Mozilla 2.O, on devrait trouver une nouvelle machine virtuelle JavaScript, offrant une forme de compilation au vol (Just In Time ou JIT, comme celle que l'on emploie pour le code Java) et surtout conforme à la nouvelle norme très attendue d'ECMA International, ES4 - aussi connue sous le nom JavaScript 2.0. Au menu, un ramasse-miettes, une accélération des appels de méthodes et une sécurité renforcée. Nouveau coup d'accélérateur à Firefox et à Ajax en prévision !
JavaScript 2.0 est encore l'objet de débats animés dans la communauté. Les appels à la modération et à ne rien changer dans les spécifications, compte tenu du nombre de pages Web saupoudrées de scripts 1.0, se succèdent aux mots d'ordres révolutionnaires cherchant à mettre radicalement fin à toutes les « faiblesses », avérées ou non, du langage. Aujourd'hui, les révolutionnaires auraient plutôt le dessus et la nouvelle norme s'éloignera, en plusieurs endroits très visiblement, de la norme actuelle. Elle nous promet un nouveau système de types plus strict (avec classes et interfaces en plus des types dynamiques caractéristiques de JavaScript), un mécanisme de « packages » pour des applications à plus grande échelle, des nouvelles constructions (blocs, générateurs, itérateurs à la Python...) toutes nouveautés envisagées comme essentielles pour le succès de la prochaine étape de développement du Web jusqu'en 2010. (Pour les curieux de technologie, voir la présentation de Brendan Eich le printemps dernier sur JS2 à http://developer.mozilla.org/presentations/xtech2006/javascript/)
Cette évolution de la norme est à mettre en parallèle avec celle de XBL (XML Binding Language) au W3C, une spécification qui décrit comment associer des événements et des comportements à des éléments XML. Avec XBL on peut, par exemple, changer au vol l'ordre dans lequel est présenté le contenu des pages HTML ou encore associer aux différents constituants d'une page les scripts pour gérer les interactions avec les utilisateurs. La combinaison de JavaScript 2.0 et de XBL2 transformera alors le navigateur en véritable serveur d'application côté client. C'est un des objectifs implicites de la fondation Mozilla dans la nouvelle aventure qu'elle entame.
Pour conclure, notons que JavaScript a essaimé hors du navigateur client depuis 1996. Il existe en effet des implémentations dites « server-side » de JavaScript qui peuvent être utilisées pour des programmes généraux, sans lien avec le Web. En plus de SpiderMonkey, une implémentation en C, Mozilla poursuit également le développement de Rhino, une implémentation en Java du langage JavaScript. Ces moteurs sont la base d'outils atypiques comme Resin Servlet Runner, dans lequel les pages JSP sont remplacées par des pages JavaScript, et comme ces serveurs Web tels Rhinola, Helma, Phobos de Sun, Whitebeam et d'autres où les scripts JavaScript sont exécutables sur le serveur avant la transmission de la page au navigateur. Pour les a« accros » il est donc possible de développer ses applications Web en tout-JavaScript, une pierre dans le jardin de Ruby et Ruby On Rails ?
dimanche, novembre 12, 2006
Le Web 2.0 en costume-cravate ?
Assisterait-on à une reprise en main du phénomène Web 2.0 par les grands groupes de média et les grands éditeurs ?
Prenons, par exemple, l'événement annuel Web 2.0 organisé la semaine dernière par O'Reilly Media, l'inventeur même du terme « Web 2.0 ». Premier constat : changement de nom, il ne s'agit plus de la « Web 2.0 Conference », rappelant trop le côté technologie et hacker, mais le « Web 2.0 Summit », qui évoque indiscutablement le sérieux des sommets économiques et des rencontres de politique internationale. D'Esalen à Davos, Tim O'Reilly semble pressé de faire évoluer le concept « d'architecture de participation » !
Second constat : les géants de la technologie y encombraient l'estrade. L'année dernière, l'audience n'avait d'yeux que pour les startups et les couloirs de l'exposition résonnaient des noms de Morfik, Zimbra, Sxip, 37Signals, Zoho et de bien d'autres. Il y a quelques jours, une foule plus clairsemée - à 3000$ l'inscription, le Web 2.0 devient sélectif ! - plus Blackberry que laptop Apple ou Vaio, venait religieusement écouter Yahoo!, Google, MSN, Intel, le New York Times, Interactive Corp., Amazon, et... Lou Reed !
Et quoi de plus logique après l'année Web 2.0 que nous avons connue. La boulimie de Google pour les parfois très jeunes entreprises se réclamant du Web 2.0, rachetées à peine quelques mois après leur création au nez et à la barbe des fonds de venture capital ; l'intérêt déclaré des moguls des média comme Barry Diller ou Terry Semel pour prendre position sur cette nouvelle forme de consommation des contenus avant qu'elle ne dévore les parts de marché des canaux traditionnels de la presse, de la radio et de la télévision ; le réveil brusque des VC, se précipitant sur les jeunes pousses dès leurs premières étincelles, affolés à l'idée de laisser peut-être passer un nouveau train (peut-être celui du « The Clue Train Manifesto ») ; même le vénérable Intel se jette dans la mêlée : Intel vient d'annoncer le lancement de SuiteTwo, une suite Internet collaborative pour les entreprises qui réunit des fonctions Web 2.0 d'éditeurs !
De ce côté ci de l'Atlantique, on se réveille également après les signaux avant-coureurs que constituent des jeunes pousses comme DailyMotion, Netvibes, Wikio et autres Kewego. Nous lisons, par exemple, que jeudi 9 novembre, M6 Web a fait un point sur la stratégie adoptée que l'on pourrait résumer en trois mots-clés : sites « compagnons » des émissions télé autour de M6.fr, communautés virtuelles et vidéo. Interrogé sur France Info, un responsable de M6 en expliquait les grands ressorts : « social networking », « user-generated content », communication et « egocasting ». À croire qu'il débarquait de l'avion de San Francisco le matin même. TF1 avait lancé de son côté WAT.tv, une sorte de « star-ac » du Web, et pris une participation dans Overblog.
Après tout, cette évolution est peut-être inévitable et probablement souhaitable. Autrement comment les toutes jeunes startups pourraient-elles se développer si leurs idées n'étaient endossées par les grandes entreprises du secteur et les investisseurs financiers ?
Prenons, par exemple, l'événement annuel Web 2.0 organisé la semaine dernière par O'Reilly Media, l'inventeur même du terme « Web 2.0 ». Premier constat : changement de nom, il ne s'agit plus de la « Web 2.0 Conference », rappelant trop le côté technologie et hacker, mais le « Web 2.0 Summit », qui évoque indiscutablement le sérieux des sommets économiques et des rencontres de politique internationale. D'Esalen à Davos, Tim O'Reilly semble pressé de faire évoluer le concept « d'architecture de participation » !
Second constat : les géants de la technologie y encombraient l'estrade. L'année dernière, l'audience n'avait d'yeux que pour les startups et les couloirs de l'exposition résonnaient des noms de Morfik, Zimbra, Sxip, 37Signals, Zoho et de bien d'autres. Il y a quelques jours, une foule plus clairsemée - à 3000$ l'inscription, le Web 2.0 devient sélectif ! - plus Blackberry que laptop Apple ou Vaio, venait religieusement écouter Yahoo!, Google, MSN, Intel, le New York Times, Interactive Corp., Amazon, et... Lou Reed !
Et quoi de plus logique après l'année Web 2.0 que nous avons connue. La boulimie de Google pour les parfois très jeunes entreprises se réclamant du Web 2.0, rachetées à peine quelques mois après leur création au nez et à la barbe des fonds de venture capital ; l'intérêt déclaré des moguls des média comme Barry Diller ou Terry Semel pour prendre position sur cette nouvelle forme de consommation des contenus avant qu'elle ne dévore les parts de marché des canaux traditionnels de la presse, de la radio et de la télévision ; le réveil brusque des VC, se précipitant sur les jeunes pousses dès leurs premières étincelles, affolés à l'idée de laisser peut-être passer un nouveau train (peut-être celui du « The Clue Train Manifesto ») ; même le vénérable Intel se jette dans la mêlée : Intel vient d'annoncer le lancement de SuiteTwo, une suite Internet collaborative pour les entreprises qui réunit des fonctions Web 2.0 d'éditeurs !
De ce côté ci de l'Atlantique, on se réveille également après les signaux avant-coureurs que constituent des jeunes pousses comme DailyMotion, Netvibes, Wikio et autres Kewego. Nous lisons, par exemple, que jeudi 9 novembre, M6 Web a fait un point sur la stratégie adoptée que l'on pourrait résumer en trois mots-clés : sites « compagnons » des émissions télé autour de M6.fr, communautés virtuelles et vidéo. Interrogé sur France Info, un responsable de M6 en expliquait les grands ressorts : « social networking », « user-generated content », communication et « egocasting ». À croire qu'il débarquait de l'avion de San Francisco le matin même. TF1 avait lancé de son côté WAT.tv, une sorte de « star-ac » du Web, et pris une participation dans Overblog.
Après tout, cette évolution est peut-être inévitable et probablement souhaitable. Autrement comment les toutes jeunes startups pourraient-elles se développer si leurs idées n'étaient endossées par les grandes entreprises du secteur et les investisseurs financiers ?
dimanche, novembre 05, 2006
La RealPolitik de Microsoft
Novembre 2004 : Novell accepte un versement de $536m de Microsoft en règlement, hors tribunal, d'un procès en contentieux sur son système d'exploitation réseau Netware, et relance immédiatement un nouvelle attaque en justice contre le géant de Redmond, portant cette fois sur le traitement de textes WordPerfect. Novembre 2006 : Novell et Microsoft, main dans la main, annoncent un partenariat visant à simplifier l'interopérabilité entre Windows et Linux. Deux petites années font soudain une bien grande différence !
La relation entre Microsoft et la communauté Unix, contée sur le mode théâtral, ferait tout à fait l'objet d'une pièce cornélienne. Nous dûmes jadis à Microsoft la version la plus populaire et la plus répandue d'Unix, ce qui semble aujourd'hui bien improbable à la lueur des évolutions récentes... Xenix, développé à partir d'une licence de Version 7 Unix acquise auprès des Bell Laboratories en 1979 par Microsoft, a en effet vu le jour en 1980. À l'époque, Microsoft y avait incorporé quelques éléments de BSD et revendait Xenix uniquement par le canal indirect de revendeurs comme Intel, SCO, Tandy, ou encore Altos. La version 2.0 de Xenix, sur une base Unix System V, fut livrée en 1985 mais Microsoft, plus préoccupé par son accord avec IBM sur OS/2 devait perdre progressivement son intérêt pour Xenix. En 1987, Microsoft transférait la propriété de Xenix à SCO et prenait en échange 25 % du capital de la société. L'intérêt de Microsoft pour OS/2 devait d'ailleurs également faiblir et l'éditeur reporta toutes ses forces sur Windows NT quelques années plus tard.
De son côté, SCO vendit les droits de Xenix, devenu SCO Unix, et d'Unixware à Caldera Systems en 2001. À l'occasion, son nom devint Tarantella, du nom d'une gamme distincte de produits dont elle conserva la commercialisation. Tarantella a été acquise par Sun à l'été 2005 pour $25m.
Plus intéressant : Caldera Systems, rebaptisé dans une confusion certaine The SCO Group, avait été fondé en 1994 par nul autre que Ray Noorda, le fondateur même de Novell qu'il dirigea jusqu'en 1993. Noorda, qui vient de disparaître le mois dernier, avait probablement vu avant tout le monde le rôle que Linux devait prendre dans l'industrie. N'ayant pu faire passer l'idée novatrice d'une distribution Linux chez Novell, il devait créer Caldera pour mettre en oeuvre son instinct précurseur. The SCO Group, que la maladie de Noorda l'empêcha ensuite de diriger, acquit de Novell certains droits à Unix que l'ancienne société de Noorda avait elle-même acquis en 1993 à l'occasion d'une politique de diversification assez hasardeuse : rachat de Digital Research en 1991 ; rachat de Unix System Laboratories en 1993. (Ces droits font d'ailleurs l'objet d'un autre procès.) Pour l'anecdote, Novell avait également revendu Digital Research DOS, dont l'histoire vaudrait elle aussi sa représentation théâtrale, à Caldera qui obtint aussi de Microsoft un règlement amiable, au montant jamais publié, pour éteindre le contentieux (un troisième !) qui lui était attaché de longue date.
En 2002, Caldera s'était alliée à SUSE, Connectiva et TurboLinux dans une organisation, United Linux, cherchant à standardiser les distributions Linux. N'y rencontrant pas grand succès, Caldera change alors de nom et de ton. Le nouveau SCO Group, sous la direction de Darl McBride, déploie alors une offensive générale devant les tribunaux attaquant les autres distributions Linux comme contrevenant à ses droits sur Unix. Du coup, Novell avait à son tour contre-attaqué indiquant qu'elle était toujours détentrice de ces droits malgré la transaction de 1993. Nouvel épisode de la saga « Linux Wars ».
Entre-temps, Novell mit dès 1996 les bouchées doubles pour essayer de rattraper le « virage Linux » qu'elle n'avait pas su anticiper. Sous la direction de Eric Schmidt, fraîchement émigré de Sun Microsystems (et aujourd'hui patron de Google), Novell sortit enfin des versions TCP/IP de ses produits. Novell fit l'acquisition de Cambridge Technology Partners, puis de Silverstream, puis de Ximian en 2003 annonçant dès lors un intérêt croissant pour une stratégie Linux. Devant le succès de l'IPO de Red Hat, Novell achetait SUSE fin 2003 et s'orientait définitivement dans la voie du système d'exploitation libre.
En quelques années, le succès de Linux est devenu la menace la plus pressante à l'assise de Microsoft dans l'informatique d'entreprise. Steve Ballmer n'hésitait pas à déclarer : « "Linux is a cancer" qui s'attache à toute propriété intellectuelle qu'il touche » ; « Linux is communism », « la plus grande menace qui plane sur Windows », sur un registre, on le voit, particulièrement fleuri mais il accueillait volontiers dans le même temps cette nouvelle forme de concurrence qui poussait Microsoft dans ses derniers retranchements.
En stratège accompli, Microsoft sait aussi s'acheter les soutiens dont il peut avoir besoin pour se défendre : résolution de la dispute avec Novell en 2004 ($536m), avec Corel sur WordPerfect ($135m sous forme d'injection au capital en 2001), autre héritage de Novell, avec Caldera Systems fin 2000, avec The SCO Group en 2003 ($6m dont on soupçonne fort qu'ils aient financé le déchaînement judiciaire de ce dernier contre les autres distributeurs Linux), bradage des licences pour les mairies de Paris et de Munich dans le but de les faire revenir sur leurs choix du libre, diplomatie en Chine pour contrer Red Flag, etc.
L'accord avec Novell signé ces derniers jours est un coup de maître dans cette stratégie d'endiguement entamée avec détermination par le géant de Seattle. Il porte un coup à la communauté Open Source précisément à l'endroit où se déroulent les plus vifs débats comme en témoignent la quantité de procès qui ont accompagné et accompagnent toujours la laborieuse évolution d'Unix et de Linux. Aux termes de l'accord, Novell et Microsoft annoncent trois engagements importants :
- Microsoft travaillera avec Novell et contribuera activement à différent projets code source libre, dont notamment des projets relatifs au format des fichiers Office et à la gestion des services Web;
- Microsoft ne fera pas valoir ses brevets contre tout développeur individuel de solution code source libre non commerciale ;
- Microsoft s'engage à ne pas faire valoir ses brevets contre les contributeurs individuels à OpenSUSE.org dont le code est inclus au sein de la plateforme SUSE Linux Enterprise, y compris SUSE Linux Enterprise Server (SLES) et SUSE Linux Enterprise Desktop (SLED).
Malgré les déclarations bienveillantes des relations publiques de Novell, Microsoft ne s'engage sur le volet des brevets qu'envers ses propres clients et OpenSuse.org, qui ne représente pas, loin de là, la totalité de la communauté Open Source. Les plus inquiets y voient le loup déjà entré dans la bergerie. Les commentaires sur Slashdot, par exemple, n'ont pas tardé à montrer que les termes de cet accord peuvent jouer en faveur de Microsoft à la fois dans les cas anti-trust qui continuent à ralentir sa progression (en Europe en particulier), mais aussi, dans la suite, à renforcer une position d'éventuel agresseur en justice contre les autres distributions Linux, Red Hat se sentant visé en premier, en particulier sur le statut juridique des contributions communes ultérieures à SUSE. Red Hat a déjà annoncé qu'il ne jouerait pas le jeu de Microsoft et qu'il resterait à l'écart des offres de l'éditeur de se joindre à cet accord.
Evolution à surveiller donc pour déterminer s'il s'agit d'un premier pas vers une hybridation sincère des modèles libre et commercial ou bien d'une tentative d'imposition d'un contrôle de plus en plus lourd de Microsoft sur la communauté du libre.
La relation entre Microsoft et la communauté Unix, contée sur le mode théâtral, ferait tout à fait l'objet d'une pièce cornélienne. Nous dûmes jadis à Microsoft la version la plus populaire et la plus répandue d'Unix, ce qui semble aujourd'hui bien improbable à la lueur des évolutions récentes... Xenix, développé à partir d'une licence de Version 7 Unix acquise auprès des Bell Laboratories en 1979 par Microsoft, a en effet vu le jour en 1980. À l'époque, Microsoft y avait incorporé quelques éléments de BSD et revendait Xenix uniquement par le canal indirect de revendeurs comme Intel, SCO, Tandy, ou encore Altos. La version 2.0 de Xenix, sur une base Unix System V, fut livrée en 1985 mais Microsoft, plus préoccupé par son accord avec IBM sur OS/2 devait perdre progressivement son intérêt pour Xenix. En 1987, Microsoft transférait la propriété de Xenix à SCO et prenait en échange 25 % du capital de la société. L'intérêt de Microsoft pour OS/2 devait d'ailleurs également faiblir et l'éditeur reporta toutes ses forces sur Windows NT quelques années plus tard.
De son côté, SCO vendit les droits de Xenix, devenu SCO Unix, et d'Unixware à Caldera Systems en 2001. À l'occasion, son nom devint Tarantella, du nom d'une gamme distincte de produits dont elle conserva la commercialisation. Tarantella a été acquise par Sun à l'été 2005 pour $25m.
Plus intéressant : Caldera Systems, rebaptisé dans une confusion certaine The SCO Group, avait été fondé en 1994 par nul autre que Ray Noorda, le fondateur même de Novell qu'il dirigea jusqu'en 1993. Noorda, qui vient de disparaître le mois dernier, avait probablement vu avant tout le monde le rôle que Linux devait prendre dans l'industrie. N'ayant pu faire passer l'idée novatrice d'une distribution Linux chez Novell, il devait créer Caldera pour mettre en oeuvre son instinct précurseur. The SCO Group, que la maladie de Noorda l'empêcha ensuite de diriger, acquit de Novell certains droits à Unix que l'ancienne société de Noorda avait elle-même acquis en 1993 à l'occasion d'une politique de diversification assez hasardeuse : rachat de Digital Research en 1991 ; rachat de Unix System Laboratories en 1993. (Ces droits font d'ailleurs l'objet d'un autre procès.) Pour l'anecdote, Novell avait également revendu Digital Research DOS, dont l'histoire vaudrait elle aussi sa représentation théâtrale, à Caldera qui obtint aussi de Microsoft un règlement amiable, au montant jamais publié, pour éteindre le contentieux (un troisième !) qui lui était attaché de longue date.
En 2002, Caldera s'était alliée à SUSE, Connectiva et TurboLinux dans une organisation, United Linux, cherchant à standardiser les distributions Linux. N'y rencontrant pas grand succès, Caldera change alors de nom et de ton. Le nouveau SCO Group, sous la direction de Darl McBride, déploie alors une offensive générale devant les tribunaux attaquant les autres distributions Linux comme contrevenant à ses droits sur Unix. Du coup, Novell avait à son tour contre-attaqué indiquant qu'elle était toujours détentrice de ces droits malgré la transaction de 1993. Nouvel épisode de la saga « Linux Wars ».
Entre-temps, Novell mit dès 1996 les bouchées doubles pour essayer de rattraper le « virage Linux » qu'elle n'avait pas su anticiper. Sous la direction de Eric Schmidt, fraîchement émigré de Sun Microsystems (et aujourd'hui patron de Google), Novell sortit enfin des versions TCP/IP de ses produits. Novell fit l'acquisition de Cambridge Technology Partners, puis de Silverstream, puis de Ximian en 2003 annonçant dès lors un intérêt croissant pour une stratégie Linux. Devant le succès de l'IPO de Red Hat, Novell achetait SUSE fin 2003 et s'orientait définitivement dans la voie du système d'exploitation libre.
En quelques années, le succès de Linux est devenu la menace la plus pressante à l'assise de Microsoft dans l'informatique d'entreprise. Steve Ballmer n'hésitait pas à déclarer : « "Linux is a cancer" qui s'attache à toute propriété intellectuelle qu'il touche » ; « Linux is communism », « la plus grande menace qui plane sur Windows », sur un registre, on le voit, particulièrement fleuri mais il accueillait volontiers dans le même temps cette nouvelle forme de concurrence qui poussait Microsoft dans ses derniers retranchements.
En stratège accompli, Microsoft sait aussi s'acheter les soutiens dont il peut avoir besoin pour se défendre : résolution de la dispute avec Novell en 2004 ($536m), avec Corel sur WordPerfect ($135m sous forme d'injection au capital en 2001), autre héritage de Novell, avec Caldera Systems fin 2000, avec The SCO Group en 2003 ($6m dont on soupçonne fort qu'ils aient financé le déchaînement judiciaire de ce dernier contre les autres distributeurs Linux), bradage des licences pour les mairies de Paris et de Munich dans le but de les faire revenir sur leurs choix du libre, diplomatie en Chine pour contrer Red Flag, etc.
L'accord avec Novell signé ces derniers jours est un coup de maître dans cette stratégie d'endiguement entamée avec détermination par le géant de Seattle. Il porte un coup à la communauté Open Source précisément à l'endroit où se déroulent les plus vifs débats comme en témoignent la quantité de procès qui ont accompagné et accompagnent toujours la laborieuse évolution d'Unix et de Linux. Aux termes de l'accord, Novell et Microsoft annoncent trois engagements importants :
- Microsoft travaillera avec Novell et contribuera activement à différent projets code source libre, dont notamment des projets relatifs au format des fichiers Office et à la gestion des services Web;
- Microsoft ne fera pas valoir ses brevets contre tout développeur individuel de solution code source libre non commerciale ;
- Microsoft s'engage à ne pas faire valoir ses brevets contre les contributeurs individuels à OpenSUSE.org dont le code est inclus au sein de la plateforme SUSE Linux Enterprise, y compris SUSE Linux Enterprise Server (SLES) et SUSE Linux Enterprise Desktop (SLED).
Malgré les déclarations bienveillantes des relations publiques de Novell, Microsoft ne s'engage sur le volet des brevets qu'envers ses propres clients et OpenSuse.org, qui ne représente pas, loin de là, la totalité de la communauté Open Source. Les plus inquiets y voient le loup déjà entré dans la bergerie. Les commentaires sur Slashdot, par exemple, n'ont pas tardé à montrer que les termes de cet accord peuvent jouer en faveur de Microsoft à la fois dans les cas anti-trust qui continuent à ralentir sa progression (en Europe en particulier), mais aussi, dans la suite, à renforcer une position d'éventuel agresseur en justice contre les autres distributions Linux, Red Hat se sentant visé en premier, en particulier sur le statut juridique des contributions communes ultérieures à SUSE. Red Hat a déjà annoncé qu'il ne jouerait pas le jeu de Microsoft et qu'il resterait à l'écart des offres de l'éditeur de se joindre à cet accord.
Evolution à surveiller donc pour déterminer s'il s'agit d'un premier pas vers une hybridation sincère des modèles libre et commercial ou bien d'une tentative d'imposition d'un contrôle de plus en plus lourd de Microsoft sur la communauté du libre.
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