samedi, octobre 27, 2007

Le sommet du Web 2.0

Peut-on déjà déceler dans la tonalité des débats qui ont animé l'édition 2007 du Web 2.0 Summit à San Francisco, la semaine dernière, le signe avant-coureur de sa récupération par l'industrie informatique historique, « IT 1.0 » ?

La présence de Steve Ballmer, le dirigeant de Microsoft, invité à une conversation avec John Battelle, historiographe et prosélyte de Google, est un témoignage de l'importance, peut-être stratégique pour Redmond, du concept de Web 2.0 lancé il y a à peine deux ans par Tim O'Reilly. C'est en effet cette tribune que Ballmer avait choisie pour une évocation publique - événement assez rare - de la stratégie d'acquisition de Microsoft. Cette intervention n'en a pris plus de sel, a posteriori, puisque Ballmer y a passé sous silence l'acquisition – certainement en cours de négociation à ce moment, mais annoncée ultérieurement – d'une prise de participation de Microsoft dans Facebook, l'enfant chéri du Web 2.0, d’un montant 240 millions de dollars pour 1,6 % du capital. Il est vrai que la rumeur, savamment entretenue, avait eu vent de l'intérêt de Microsoft pour Facebook depuis quelques mois et que le secret n'en était plus vraiment un.

Interrogé au Web 2.0 Summit, Ballmer s'est, en effet, contenté de répéter que Microsoft devrait poursuivre sa politique d'acquisition d'une vingtaine d'entreprises par an sur les 5 années à venir, pour des montants compris entre 20 millions et un milliard de dollars. (Allez voir le film comparatif des acquisitions des grands de l'Internet ces dernières années, l'accélération de 2006-2007 est saisissante !) Ce discours convenu cache mal l'importance du sujet Web 2.0 pour le géant de Redmond. Si au plan des technologies Microsoft s'est également lancé dans l'aventure avec d'une part Silverlight et, en démonstration au Web 2.0 Summit, PopFly son propre éditeur de mashups annoncé en mai dernier, ce sont plutôt les enjeux économique et stratégique qui importent au vu de l'investissement dans Facebook. La presse et les blogueurs ne se sont souvent intéressés qu'à la valorisation démesurée de Facebook induite par l'investissement de Microsoft, ne retenant que la capitalisation (virtuelle) de plus de 15 milliards de dollars du réseau social Facebook. Rappelons que Facebook, tout auréolé qu'il soit de son succès et de l'ouverture de sa plate-forme aux développeurs d'applications, a néanmoins besoin d'argent pour soutenir sa croissance. En acceptant le paiement de Microsoft de ces formes d'arrhes, Facebook accepte de lier cette croissance, ou tout au moins une partie, au partenariat avec Redmond. De son point de vue, Microsoft est engagé, peut-être comme jamais dans l'histoire de la compagnie, dans une guerre sur plusieurs fronts majeurs. L'investissement dans Facebook constitue, sur l'un de ces fronts, plus un moyen d'ouvrir et de conserver de nouvelles options futures contre des concurrents, comme Google, qu'un espoir d'appréciation financière du capital de Facebook via une opération financière. (Qui peut dire, en effet, lequel des deux titres, Microsoft ou un Facebook qui ferait une IPO ou serait acquis au prix fort, présenterait à l'investisseur le meilleur retour sur investissement ?)

De cette troisième édition de la conférence, il faut donc retenir les deux grandes tendances du Web 2.0 : d'une part, l'avènement du « réseau social », dominé par les Facebook, Twitter et autres aspirants moins récents, comme catégorie à part entière d'applications Web, et, d'autre part, l'acclimatation annoncée du « mashup », icône de l'application Web que l'on réalise soi-même de bric et de broc dans un patchwork de « widgets » de provenances diverses, au monde de l'informatique d'entreprise. Sur ce dernier point aussi, la présence des grands éditeurs de logiciel illustrait les enjeux sous-jacents. Microsoft y démontrait Popfly au même titre et dans les mêmes conditions qu'une impressionnante liste de startups travaillant aujourd'hui autour de cette fragmentation de la page Web et du « desktop » en widgets indépendantes mais liées entre elles. Le programme « LaunchPad » de la conférence permit de mettre en valeur les jeunes pousses les plus innovantes : CleverSet, un moteur de recommandations pour les sites de commerce en ligne, TripIt, un service permettant de personnaliser un voyage à partir de la confirmation de son vol, Ghost, une forme de système d'exploitation Web permettant de faire migrer ses données et ses applications courantes sur un site les rendant ainsi disponibles de n'importe quelle autre machine connectée. Notons qu'en Europe, nous n'avons pas à rougir de notre génération de startups sur ces sujets avec des sociétés comme Criteo pour le moteur de recommandations, Ulteo pour le Web OS (lancé par des anciens de Mandriva et d’Intalio) ou DreamFace Interactive pour le développement sans programmation de mashups interactifs et personnalisables (de plus, directement intégrables dans des applications pour Facebook, iGoogle ou Salesforce). Des dizaines d'autres jeunes pousses se bousculaient au Web 2.0 Summit, témoignant ainsi de la vitalité du sujet et des attentes qu'il suscite.

D'autres voient même le début d'une nouvelle bulle Internet, « Bubble 2.0 » dans les valorisations stratosphériques ainsi évoquées par la nouvelle génération d'entrepreneurs du Net « social ». De plus tout n'est pas rose pour tout le monde. L'archétype des survivants de la bulle Internet, Yahoo!, par exemple, traverse de sérieuses difficultés. Pour tenter d'arrêter la dégringolade du titre en Bourse, Jerry Yang, l'un des fondateurs, est revenu aux commandes après le départ du médiatique Terry Semel, en juin dernier – quand même parti après avoir encaissé plus de 600 millions de dollars de ventes de titres lors de son passage à la tête du moteur de recherches, nos Lagardère et Forgeard jouent encore petit jeu ! Les résultats trimestriels un peu meilleurs qui viennent d'être publiés et la hausse récente du cours du titre de Yahoo! au NASDAQ depuis les profondeurs où il était plongé depuis l'été, améliorent un peu la situation face au rival Google. Mais pas de révision stratégique massive pour Yahoo! qui, du fait précisément de la croissance des valorisations, s'est laissé quelque peu dépasser par les grandes manœuvres d'acquisition de ses concurrents directs qui ont, de surcroît, amassé un trésor de guerre – surtout issu de la manne de la publicité en ligne – plus important que lui. Nicholas Carr, blogueur émérite et fin observateur des secteurs technologiques – après « Does IT Matter », son livre iconoclaste sur l'importance économique réelle des technologies de l'information, on attend avec impatience « The Big Switch: Rewiring the world, from Edison to Google » bientôt publié – suggère même à Yahoo! de laisser tomber le point d'exclamation dans son nom, selon lui, maintenant injustifié.

Autre exercice d'autocritique dans la plus belle tradition maoïste au Web 2.0 Summit, Meg Whitman, la dirigeante d'eBay, a reconnu publiquement sa déception devant la catastrophe financière de l'intégration apparemment ratée de Skype. Acquis en 2005 pour un montant annoncé de 4 milliards d'euros, Skype est loin d'avoir atteint les objectifs euphoriques fixés à l'époque et eBay est aujourd'hui forcé de provisionner à hauteur de 1,4 milliards de dollars cette acquisition, qualifiée « d'erreur » par Meg Whitman. De plus les fondateurs de Skype, dont Niklas Zennstrom dont la succession est officiellement ouverte, ont quitté à grand bruit la société ce mois-ci – empochant d'ailleurs 530 millions de dollars dans cet élan de solidarité. Heureusement que les chiffres des enchères sur eBay reflètent une santé insolente : plus de 50 milliards de dollars de marchandises se sont échangés sur eBay en 2006 ! Encore un chiffre qui laisse songeur...

Sur plusieurs plans les chemins du Web 2.0 commencent aujourd'hui à croiser les routes plus balisées de l'informatique d'entreprise. Au même moment, les grandes marques établies du Web s'intéressent de près à la ruche vibrionnante d'entrepreneurs et de technologies, qui pourraient ultimement menacer leurs positions acquises. Le Web 2.0 est une nouvelle arme dont l'importance se révèle jour après jour dans la confrontation générale sur les différents fronts qui les opposent.

dimanche, octobre 21, 2007

Faut-il sauver le soldat venture ?

Dans la demi-obscurité du jour tombant, c'est par petits groupes que sont arrivés à la porte d'un restaurant Feng Shui du Triangle d'or de bien curieux personnages, méconnus du grand public, pour un dîner confidentiel et discret où l'on devait discuter d'un des sujets économiques probablement parmi les moins bien compris dans notre pays : les politiques de financement de l'innovation.



La situation actuelle est pour le moins paradoxale : depuis plus de dix ans, les gouvernements de gauche comme de droite ont élaboré une multitude de mesures visant à faire jouer à l'Etat un rôle de plus en plus actif dans le financement de l'innovation, et pourtant, de l'aveu même des professionnels de ce métier de l'investissement, les conditions de sa pratique n'ont cessé de se détériorer. Les statistiques, qui d'ailleurs laissent à désirer au plan de l'exhaustivité et de leur degré de détail, affichent des montants compris entre 500 et 875 millions d'euros pour le total de l'investissement en private equity en France pour 2006. (L'écart important entre ces chiffres résulte de la comparaison, pas toujours aisée, entre des indices divers calculés par quelques organismes servant des intérêts variés.) Cependant, il ne faut pas se laisser abuser par la hauteur de ces montants si l'on se rappelle, par exemple, que les montants sous gestion de l'industrie de l'assurance, en général, représentent près de 1.300 milliards d'euros. De plus, dans ces opérations d'investissement, une très grande majorité 70% à 80%, selon les sources, sont des opérations de LBO et de transmission, la portion congrue restante étant consacrée à l'amorçage et à « l'early stage », qui sont les phases de démarrage des jeunes entreprises. Aux États-Unis, c'est à peu près 150 milliards de dollars qui ont été investis en capitaux privés en 2006.



Mais ce dont souffrent, au premier chef, les fonds d'investissement français actuels c'est d'une collecte décroissante et de plus en plus difficile des fonds et de l'attrition des « sorties », c'est-à-dire des événements d'acquisition et d'introduction sur des marchés réglementés, à l'occasion desquels ces fonds peuvent vendre leurs participations et offrir un retour sur investissement à leurs propres actionnaires.



Il faut avant tout rappeler la dcotrine, généralement partagée, qui sous-tend le développement, somme toute, récent de l'activité d'investissement en capitaux privés dans des sociétés innovantes. C'est en observant le modèle américain, le seul et plus ancien exemple, que l'on a formulé, de ce côté ci de l'Atlantique, des principes de base. Le développement économique d'un pays dépend en grande partie de la croissance de ses PME, et de leur capacité à innover pour créer et développer de nouveaux marchés. En Europe, on y ajoute de plus un ingrédient « social » : la croissance des PME est bonne pour l'emploi. Tout ceci n'est guère contestable. Ceci étant, s'élèvent de toutes parts des gémissements sur l'absence de PME « gazelles » et l'on constate tristement, quelle que soit la méthode de classement et la mesure employée, la chute des investissements en recherche et développement, la médiocre performance de l'industrie innovante française au regard de celles d'autres pays, soulignée depuis longtemps par une succession de rapports (Lombard, 1997 ; Destot, 2000 ; Camdessus, 2004 ; Beffa, 2005 ; Valorisation de la recherche, 2006 ; Attali, 2007), et se pose alors la question du rôle que l'Etat peut éventuellement jouer pour inverser cette tendance évidemment néfaste.



Aux Etats-Unis les fonds de pension jouent un rôle majeur dans la collecte des fonds destinés à l'investissement en capitaux privés dans l'innovation. Les Etats-Unis ont très tôt adapté la réglementation pour autoriser, et même inciter, ces fonds de pension à soutenir les jeunes entreprises innovantes en investissant eux-mêmes dans des fonds de capital risque et de capital développement. Elle est d'ailleurs à nouveau l'objet de débats aux Etats-Unis depuis le renforcement de la loi après l'affaire Enron et quelques autres.



Mais en France, point de fonds de pension, ce serait déchoir ! D'où l'idée mise en place au milieu des années 1990 des Fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI) pour drainer une partie de l'épargne publique vers l'investissement dans les jeunes entreprises innovantes. Las ! Ces FCPI ont été accaparés par les grandes institutions financières qui en on fait un outil d'une grande rentabilité en greffant, sur cette bonne intention, et dans une transparence parfois critiquable, des frais d'entrée, des frais de gestion très élevés et d'autres rémunérations de leurs réseaux de distribution qui grèvent lourdement leur retour sur investissement final au grand public. De plus, au titre de la protection de ce même public, considéré comme peu informé, puisque attiré vers les FCPI par la carotte fiscale de l'exonération (sous conditions) d'imposition sur les plus-values réalisées par ces fonds, l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a imposé de surcroît une réglementation très lourde et complexe de la gestion des FCPI. Il est vrai que dans un pays ou le principe de précaution est inscrit dans la Constitution, l'investissement, par définition risqué, est dangereusement près d'être anticonstitutionnel !



Comme si ce dévoiement ne suffisait pas, ces FCPI instaurés à la fin des années 1990 ont pris de plein fouet l'explosion de la Bulle Internet et le repli mondial des investissements qui s'ensuivit. L'image de marque de tout le secteur du private equity en a donc grandement souffert, ceci d'autant plus que, contrairement aux Etats-Unis où ce type d'investissement était déjà mûr depuis longtemps, il n'y a pas eu finalement assez de temps entre le début d'intérêt du public en général pour les jeunes entreprises innovantes et la débâcle pour construire des succès qui auraient pu marquer positivement les esprits. Finalement, le public n'aura peut-être retenu de ces débuts exagérés que « l'exubérance irrationnelle » des marchés, l'affaire Vivendi et quelques autres qui ont défrayé la chronique en leur temps.



Autre idée originale, puisque nous n'avons toujours pas de fonds de pension, retournons nous vers les groupes d'assurance dont on a vu que les fonds qu'ils gèrent sont pléthoriques ! De fait, alors qu'aux Etats-Unis les fonds de pension consacrent en moyenne 5 à 6 % de leurs fonds au secteur des fonds de capital investissement, les groupes d'assurance, en France, n'allouent au capital non côté, et à reculons, que 1 à 2 %. Les formules mises aux points, dès 1998, et diversement appelées « contrats DSK » puis « contrats NSK » - éponyme du locataire fluctuant de Bercy -, avec la Loi de finances de 2005, n'ont pas connu le succès attendu. Fin 2003, les contrats DSK n'avaient au total collecté que 11 milliards d'euros contre un encours total de 777 milliards d'euros à la même date pour l'assurance vie. Le même principe que celui des FCPI y était mis en oeuvre : des avantages fiscaux pour le titulaire en contrepartie d'une part importante (10 %) d'investissement à risque de ces contrats d'assurance. Mais les groupes d'assurance - pas tous heureusement - n'ont pas vraiment joué le jeu, et ces sommes ont été consacrées certes à de l'investissement en capitaux privés, mais au bénéfice des filiales (privées) de ces mêmes groupes d'assurance, et peu ou pas à des fonds d'investissement en capitaux privés à proprement parler. Les assurances, toujours réticentes aux placements dits à risque, s'acquittent ainsi de leurs obligations légales par ce tour de passe-passe, mais entretiennent, du coup, le statu quo sur le plan de la collecte des fonds pour l'investissement privé.



Plus près de nous, né de la volonté de Jacques Chirac et inauguré en grande pompe par Thierry Breton en novembre 2006, France Investissement doit être un nouvelle tentative de réconcilier les gestionnaires de fonds issus du grand public avec l'investissement en capital risque et en capital développement. Le ministre s'y félicitait d'avoir réussi à attirer des partenaires privés auprès de la Caisse des dépôt et consignations : AGF, la CNCE, Natixis, Société Générale et Groupama - AXA, d'abord pressenti, devrait décliner au grand dam du gouvernement. Ces acteurs se sont engagés à consacrer collectivement 2 milliards d'euros, sur 6 ans, à l'investissement dans des fonds investissant eux-mêmes en capital risque et capital développement. C'est ce qu'on appelle un fonds de fonds, comme il en existe un grand nombre, privés et publics (comme ces fonds de pension déjà mentionnés), dans la finance anglo-saxonne. La Caisse indique que 29 fonds ont jusqu'à présent bénéficié d'une participation de France Investissement. Mais même si elle note dans un premier rapport annuel que la situation de l'investissement en capitaux privés s'est améliorée depuis la période 2001-2003 - la période glaciaire post Bulle Internet - on était encore loin du compte. La Caisse note - y décèlerait-on une pointe d'amers regrets - qu'elle reste de loin la première devant les fonds de fonds privés (lire, horresco referens, anglo-saxons en majorité), les banques et les assurances le premier investisseur en France dans les fonds d'investissement privés (avec 1,068 milliards contre respectivement 997 millions, 846 millions et 615 millions cumulés en 2006). Si l'on se restreint aux fonds spécialisés dans les toutes jeunes entreprises, amorçage et premiers tours, la prévalence de la CDC en France est encore plus accentuée. Ce qui ne va pas sans quelque grogne quand, par ailleurs, la CDC est aussi le premier bailleur de fonds d'Oseo et en particulier d'Oseo Financement et Garantie (ex- BDPME, Sofaris) qui met à disposition des banques et des entreprises, entre autres, des produits de garantie conçus pour réduire le risque de l'investissement en capital privé. C'est comme si l'Etat impécunieux repassait systématiquement le mistigri du financement des fonds d'investissement à la CDC, institutionnalisée en vache à lait de dernier recours !



Autre sujet de débats infinis : l'usage éventuel pour l'investissement en capitaux privés de la manne providentielle - merci les marchés immobiliers en attente du prochain éclatement de bulle spéculative, et du revers des « subprime mortgages » - collectée par l'ISF. Collecte record en 2007 : selon les chiffres diffusés dans l'annexe au projet de loi de finances 2008, les recettes de cette année devraient s'établir à 4,42 milliards d'euros contre 3,85 milliards d'euros initialement anticipés. Pour ceux qui n'auraient pas fui le territoire, il y a bien longtemps, et qui règlent religieusement leur impôt sur des montants souvent virtuels, on propose aujourd'hui un « paquet fiscal », évidemment applaudi par les uns et vitupérés par les autres. Il permet aux contribuables de réduire leur facture d'ISF à hauteur des sommes qu'ils auraient investies dans les PME, en direct ou via un fonds d'investissement de proximité (FIP) - et pourquoi pas auprès des FCPI et autres fonds communs de placement, mystère... Pour les contribuables les plus fortunés, l'investissement direct dans des PME est le plus efficace fiscalement : s'ils investissent 66.667 euros, ils peuvent obtenir la réduction d'impôt maximale (50.000 euros). En théorie, c'est très simple. Il en est autrement de la mise en pratique : il faut supposer, que chaque année, la proverbiale grand-mère propriétaire de sa maison familiale centenaire de l'Ile de Ré occuperait sa retraite à éplucher les « business plans » des PME innovantes. (Après tout, pourquoi pas ? Idée pour un site Web destinés aux seniors - très tendance en ce moment - : « L'Analyse des business plans pour les seniors » !) L'autre solution, moins avantageuse fiscalement, consiste à souscrire des parts de FIP auprès de sociétés de gestion qui investissent en capitaux privés. Les FIP actuellement sur le marché (mis en place par la loi Dutreil de 2003) et qui permettent d'obtenir une réduction au titre de l'impôt sur le revenu, sont tout jeunes doivent être investis selon des ratios bien précis, qui ne sont pas les mêmes que ceux spécifiés dans la nouvelle loi. On aurait voulu vider de sa substance l'idée initiale, qu'on ne s'y serait pas pris autrement.



L'innovation est à nouveau au coeur du rapport Attali récemment rendu public, qui évoque un certain nombre de mesures en vue de « libérer la croissance » - de qui diable était-elle donc prisonnière que nous ne nous en préoccupions que maintenant ? - avec un nouvel ingrédient social qui, après « l'emploi » a fait son apparition ces dernières années : « la croissance durable ». Mais alors que le rapport Attali soutient que pour sauver la planète et permettre à la France de retrouver le peloton de tête du train de la croissance mondiale au rythme ébouriffant de 5 % il faut relancer la consommation, baisser les prix, accroître la mobilité des biens et des personnes, s'émanciper du Principe de précaution, réfléchir aux OGM, le « Grenelle de l'environnement » lancé, de l'autre main, par Jean-Louis Borloo, accouche de recommandations reflétant une toute autre vision : intégrer le coût « environnemental » aux prix, limiter les transports, taxer les carburants et réduire la vitesse des véhicules en France, renforcer la constitutionnalité du Principe de précaution, oublier les OGM, etc. Voilà, pour le moins, de quoi semer la confusion dans les esprits, et, en particulier, de ceux qui, suivant encore l'exemple californien, imaginent ici de lever des fonds d'investissement en capitaux privés dans les secteurs des nouvelles technologies « écologiquement correctes ». Bon sang, mais c'est bien sûr ! On vient même de décerner le Nobel à leur représentant le plus médiatique, Al Gore lui-même ! 2,9 milliards de dollars investis en capitaux privés en 2006 aux Etats-Unis dans ce secteur, encore inexistant il y a cinq ans... Pas étonnant, qu'après les technologies de l'information et les biotechnologies, l'opinion prévalente est que le secteur des « technologies propres » est le prochain eldorado du capital investissement.



Au plan des sorties, maintenant, les marchés réglementés pratiquement gelés après l'éclatement de la Bulle Internet, se rouvrent frileusement aux IPO mais l'absence d'un véritable entretien des cours, le nombre insuffisant d'investisseurs sur ces marchés (Eurolist C, l'ancien Nouveau Marché, et le plus jeune encore Alternext) qui n'ont pas vraiment de « profondeur », et le peu d'analystes des valeurs cotées sur ces marchés accentuent la volatilité des titres et leur défaveur auprès des grands investisseurs en titre cotés - d'ailleurs souvent, pour partie, les mêmes qui reculent devant l'investissement en capital privé. Alors restent les acquisitions industrielles par des grands acteurs des secteurs des hautes technologies. Ce qui veut souvent dire, américains, voire maintenant, indiens et chinois. Mais alors là, attention pas touche ! « patriotisme économique » et secteurs protégés (onze pour l'instant en France au décret du 31 décembre 2005) préservent l'intérêt national. Le prochain épouvantail, dont on commence à voir ici et là paraître l'ombre menaçante dans ce que j'ai peine à croire de ne pas être une campagne de presse en phase d'accélération, est le « fonds souverain » étranger. (Etranger, parce que, par chez nous, seule la CDC, encore elle !, pourrait ressembler à un fonds souverain dans un Etat en cessation de paiements, mais l'on voit, cf. plus haut, à quel point elle a déjà du mal à s'extraire du débat hexagonal.) L'investissement à risque, déjà pratiquement anticonstitutionnel, serait-il donc de surcroît contraire à l'intérêt national ?





Avec un peu de recul, il est aussi légitime de se poser la question du recours d'une part à la promesse d'un avantage fiscal pour le grand public, supposé inaccessible au raisonnement économique sous-jacent au financement de la croissance, et, d'autre part, à la ponction systématique par un Etat en déficit permanent de la seule CDC, elle-même financée en dernier ressort par le grand public, comme uniques leviers d'une politique d'accompagnement de l'innovation en France. Alors que les fonds de capital risque peinent à lever aujourd'hui ce qui servira à financer les jeunes entreprises innovantes de demain, que pourtant tous appellent de leurs voeux et dont l'absence prévisible dans quelques années ne fera que nous éloigner plus encore des objectifs affichés, il convient de s'interroger toujours plus avant sur cette forme curieuse d'ostracisme financier dont est frappé cette classe d'investissements.

lundi, octobre 15, 2007

La consolidation de l'industrie du logiciel d'entreprise continue

Dans son numéro 834, rétrospective spéciale datée du 1er janvier 2000, le magazine Le Monde Informatique - qui périt cette semaine sous la déferlante de l'information en ligne en publiant vaillamment son dernier numéro - racontait, à la rubrique « La Saga des marques », « l'irrésistible ascension de SAP ». Cinq échappés des légions d'IBM montent leur startup en avril 1972, Systemanalyse und Programmentwicklung, à Mannheim, sur l'idée de créer pour les entreprises un « programme intégré » après s'être aperçus que, client après client, chacun redéveloppait le même programme ou presque. À une époque où le logiciel n'était pas encore une activité en soi, alors que le « business model » dominant était celui de la location de temps et de la vente de matériel, IBM n'avait pas retenu la jeune équipe. (De fait, Le Monde, rappelle dans un entrefilet qu'il y a cinquante ans, IBM Europe, alors installé Place Vendôme, faisait visiter au premier étage de son quartier général son nouvel ordinateur de « 21 tonnes, capable de calculer le profil d'une aile d'avion an trois minutes », loué à 250.000 francs de l'heure pour y faire tourner votre programme !)



Depuis les pionniers, logiciels et progiciels se sont constitués en véritable industrie. Dans le secteur des progiciels et des logiciels d'entreprise, en particulier, cette industrie est considérée comme économiquement mûre ce qui conduit, comme ce fut le cas dans d'autres industries historiquement plus anciennes comme l'automobile ou l'énergie, à une phase de consolidation de l'offre. Larry Ellison, le flamboyant dirigeant-fondateur d'Oracle toujours prêt à la polémique, avait défrayé la chronique en annonçant « la fin de l'industrie du logiciel » dans une vague de consolidations dont ne surnageraient que moins de cinq éditeurs géants - dont sa propre société bien entendu. Quelques années plus tard, sa prédiction semble vouloir se réaliser : SAP et Oracle franchissent avec un bel ensemble une nouvelle étape dans la course aux acquisitions qu'ils ont entamée. SAP se porte candidat à l'acquisition de notre champion national, mais mondialisé, BO, tandis qu'Oracle, ayant à peine digéré Hyperion - un concurrent de BO - lance, comme en réplique, une OPA hostile sur BEA.



Les deux opérations se font semble-t-il dans un contexte bien différent. BO avait officiellement confié un mandat de vente à une banque d'investissement, probablement poussé par son Conseil d'administration plus que par son CEO, Bernard Liautaud, qui n'avait pas récemment manifesté de velléités particulières en ce sens. (Au contraire, les acquisitions récentes de Crystal Reports et de Cartesis, deux « gros morceaux », montraient une volonté de solidification.) On peut y voir, comme certains, l'aveu que le « business intelligence » n'est plus une fonction à proprement parler indépendante mais se rattache plutôt comme complémentaire, voire ancillaire, à la fonctionnalité de l'ERP. On peut également y déchiffer que les coûts de fonctionnement d'une entreprise d'édition de logiciels centrée sur un des processus d'entreprise ont atteints des niveaux tels aujourd'hui que même pour les plus grands les rapprochements industriels sont indispensables. Ce qui d'ailleurs constituerait un signal supplémentaire pour de grands éditeurs indépendants dans d'autres secteurs industriels et processus métier spécifiques comme Dassault Systèmes - notre dernier champion national, du coup - dans la conception et le cycle de vie des produits, ou comme Manhattan Associates, par exemple, dans la logistique.



L'offre d'Oracle est, quant à elle, non sollicitée et considérée comme hostile par les dirigeants de BEA, qui l'ont fait savoir par voie de presse. Il s'agit plutôt là de l'exécution d'une stratégie boulimique de consolidation, bruyamment annoncée par Larry Ellison comme déjà remarqué, affichant sans état d'âme l'objectif d'aboutir à un monopsone ou, à défaut, un oligopsone mettant en coupe réglée une industrie du logiciel d'entreprise qui aura alors entamé son troisième âge.

Si SAP, d'origine européenne donc passable au point de vue des intérêts nationaux, ne s'était pas avancé, j'aurais été curieux de voir si une offre d'un des rares autres acquéreurs possibles au vue du montant de la transaction (IBM, Oracle, Microsoft peut-être...), américain sans nul doute, aurait provoqué une levée de boucliers au motif du « patriotisme économique », revu à la sauce des fameuses dix fiches-recettes du Haut responsable à l'intelligence économique. Car enfin, me semble-t-il naïvement, les outils logiciels de l'analyse de données sont essentiels à l'intelligence économique. Penser que les exceptionnels outils de BO, issus de l'ingéniosité française, solidement implantés au coeur de toutes les grandes entreprises, dans tous les secteurs d'industrie, puissent passer dans des mains étrangères - et non européennes de surcroît mais, Dieu merci, ni chinoises ni indiennes ! - glace d'effroi... SAP, allemand de coeur, donne tous les gages de sérieux et rassure mon esprit égaré. Mais attention aux contre-offres ou, pourquoi pas, au chasseur devenu cible et une offre ultérieure d'acquisition de SAP lui-même - comme apparemment il en avait été question chez Microsoft pendant un temps.



Nul ne peut dire ce qu'en écrira la prochaine rétrospective de la décennie, qu'on lira probablement en ligne (et sous Open Source ?), mais il apparaît désormais indubitable que l'industrie du progiciel d'entreprise connaît aujourd'hui une transformation irréversible de son écosystème. Sous la triple influence de sa propre hyper-croissance depuis les années 1980, du bouleversement de l'Internet et de son cortège d'offres hébergées et de nouveaux modèles de distribution SaaS, de la progression, enfin, des écoles de pensée et des fruits de l'Open Source, l'industrie du logiciel d'entreprise se reconfigure sous nos yeux.

vendredi, octobre 05, 2007

La Coalition des espaces blancs contre les interférences des interstices

Voilà que les interstices, les espaces vides ou « white spaces », deviennent l'objet de furieux débats juridiques aux Etats-Unis ! Il ne s'agit ni de l'art du chiaro-oscuro, ni de gouttières entre les colonnes de nos journaux, ni du vertige de la page blanche, et encore moins des « hors sujets » révélateurs de Derrida, mais, bien plus prosaïquement, des trous dans le spectre de fréquence employé par la télévision analogique.

Une coalition hétéroclite d'industriels de différents bords s'est formée fin 2006 pour contester aux géants du « broadcast » leur droit de (non) utilisation des interstices du spectre des fréquences de télévision analogique. Microsoft, Dell, Google, HP, Intel, Philips, Earthlink, Samsung et quelques autres groupes industriels qui ne souhaitent pas faire savoir leur nom, se sont regroupés dans la White Spaces Coalition (WSC), littéralement la Coalition des Espaces Blancs, pour proposer de réutiliser ces interstices pour offrir du sans-fil à haut débit.

Avec l'arrêt de la diffusion des programmes en analogique programmée pour février 2009 aux USA, la question de la réutilisation du spectre libéré reste posée à la FCC (Federal Communications Commission, l'autorité des télécommunications étatsunienne) depuis 2003. Au nom de la WSC, Microsoft avait présenté à la FCC, à des fins de test en mars dernier, un premier équipement de démonstration. Le peu des caractéristiques techniques qui a filtré est alléchant, l'utilisation des espaces blancs permettrait ainsi un accès à 80 Mbps à la maison, sur la bande 54Mhz-698Mhz. L'amendement déposé, à la même date ce printemps, par le député démocrate Jay Inslee exige de la FCC qu'elle statue sur les interstices « dès que leur utilisation est pratiquement démontrée » et au plus tard à la libération du spectre réservé à la télévision analogique en 2009.

Cette agitation a bien évidemment provoqué une levée de boucliers du côté des réseaux de diffusion de télévision, fâchés de voir l'industrie informatique contester leurs prérogatives et, surtout, les géants du contenu Internet débarquer sur leurs plates-bandes. Tous les arguments sont bons pour ces experts des batailles juridiques pour la défense de leurs positions acquises.

Par exemple, selon le lobby de MSTV, l'Association for Maximum Service Television - tout le contraire de notre beau pays qui se met en grève régulièrement sur la définition du « service minimum » - les interférences entre les équipements mettraient en péril la diffusion des programmes de télévision ; gêner la diffusion de la télévision causerait des problèmes de sécurité publique en situation de crise grave - argument qui porte dans une Amérique traumatisée par la menace soigneusement entretenue d'attentats ; ces problèmes d'interférences empêcheraient également une transition en douceur de l'analogique au numérique en 2009. Bref, le fléau des espaces blancs devrait à tout prix être évité.

Coup du sort ! Il apparaît, début août, après quelques mois de test à la FCC, que le prototype livré par Microsoft ne marche pas ! Mi-août, Microsoft se défend alors, d'une lettre ouverte à la FCC, argumentant qu'après analyse des appareils la FCC aurait exécuté les tests avec un équipement dont le tuner était (pour une raison inconnue) endommagé ! Le débat tourne à la violente argutie technique entre experts de la théorie du signal, rajoutant à la confusion et exaspérant les luttes de clans et laissant la Commission de la FCC chargée de statuer dans un embarras croissant.

La Coalition, de son côté, a soumis un second prototype revu par Philips dans l'espoir d'accélérer une décision favorable de la FCC avant la fin de l'année. Une décision positive bouleverserait le paysage de l'accès Internet aux Etats-Unis en offrant une troisième voie, après le câble et l'ADSL, à des débits élevés et, de plus, très adaptée aux zones rurales moins bien couvertes par les deux technologies précédentes. (Même dans les grandes villes américaines nombre de canaux réservés à la télévision analogique sont en fait inutilisés.) La perspective de diffusion sur des appareils personnels, mobiles (sans frais de licence d’exploitation des fréquences) et de surcroît sur une bande du spectre plus adaptée, par exemple que celle du WiFi, au haut débit intéresse évidemment tous les grands acteurs de l’industrie informatique. Les enjeux sont considérables.

En même temps, Google se penche toujours sur la prochaine enchère de la bande de spectre de 700 MHz, une fois achevée la transition de février 2009, malgré un refus partiel des régulateurs de Washington d'accepter ses conditions d'enchères en juillet dernier. Google avait surpris l'industrie mobile au début de l'année en annonçant ses intentions de prendre part à ces enchères pour cette bande de spectre très prisée, notamment par AT&T, Verizon Communications et T-Mobile USA, filiale de l'allemand Deutsche Telekom. Le leader de la recherche Web avait annoncé être prêt à investir 4,6 milliards de dollars si la FCC acceptait d''imposer aux gagnants de l'enchère de revendre à un tarif de gros ce spectre de 700MHz - réparti en cinq blocs - à ses rivaux. Ces conditions avaient été invoquées par Google pour assurer ouverture et inter-opérabilité des plates-formes d'accès et de communication mobiles. En refusant ces règles qu'aurait voulu imposer Google préalablement même au déroulement des enchères, la FCC indique qu'elle ne tolère aucune immixtion dans l'attribution des règles de participation et dans l'établissement du cadre légal des enchères. Mais Eric Schmidt, le CEO de Google, est patient et sait que quand les enchères commenceront l'argent parlera - et ses coffres sont pleins. Google prochain monopole des télécommunications ?

mercredi, octobre 03, 2007

La politique publique d'aide à l'innovation à la dérive

La semaine dernière, l'étude Ernst and Young, rendue publique à l'occasion d'un forum sur les territoires à Mulhouse, révélait un bilan en demi-teinte des fameux pôles de compétitivité dont l'Hexagone se glorifie. Si le rapport note un retard dans l'atteinte des trois objectifs initiaux des pôles : développement des réseaux d'entreprise, mise en place de projets de recherche et visibilité internationale, en revanche il met en avant une réussite incontestable, « la nette amélioration des relations entre chefs d'entreprise et élus » - défense de rire, des élections municipales sont proches !

Ce volet de la politique publique d'encouragement à l'innovation, pourtant présenté naguère sur un ton triomphant comme indispensable tant au « patriotisme économique » qu'au rayonnement du pays, serait-il (déjà) en train de battre de l'aile ? L'étude Ernst and Young précise que ces « nouvelles relations » semblent néanmoins avoir favorisé le maintien d'entreprises sur les territoires. Mais elle pointe sur le point d'achoppement principal, maintes fois avancé par les observateurs, à savoir la faible participation des PME. Ne représentant, par décret, que 15% à 30% des financements de projets, leur implication, confirme cette étude, reste évidemment trop faible dans les projets de recherche collaboratifs.

Des PME françaises, décidément montrées comme cause et objet de bien des réflexions contradictoires sur l'innovation nationale ! On voudrait tout à la fois inciter à leur procréation - mesures fiscales favorables aux investisseurs providentiels, les « business angels », pourvu que leur ISF soit revenu sous contrôle des exils (providentiels ?) où ils auraient pu s'égarer ; qu'à peine écloses ces chimères s'hypertrophient en « gazelles » - le programme éponyme lancé en mai 2006 par Renaud Dutreil destiné à favoriser l'accès des 2.000 « gazelles », les PME les plus dynamiques, à des « conseils d'experts financiers » pour un soutien juridique, comptable, notarial et d'accès aux marchés réglementés ; qu'enfin ce bestiaire improbable prenne d'assaut les marchés atones, malgré l'intérêt initial des investisseurs porté à Alternext à son ouverture, et, de plus, aujourd'hui tétanisés par la menace de contagion du virus « subprime mortgage », ceci, bien sûr, tout en respectant scrupuleusement la « grammaire de l'économie moderne », chère à notre ancien ministre Thierry Breton, comme le rappelle avec autorité le HRIE (Haut responsable chargé de l'intelligence économique) qui vient d'éditer dix fiches pratiques à l'intention des PME : « Levée de fonds et maîtrise de l'information stratégique ».

Ce dernier pensum pédagogique attire l'attention des PME sur les différentes logiques qui pourraient animer l'univers hétéroclite, voire équivoque n'est-ce pas, des investisseurs. À l'époque du « principe de précaution » érigé en droit constitutionnel, le manichéisme à peine voilé de cette prose révèle deux grandes familles de fonds d'investissement : d'une part, les uns, fonds de « private equity » dûment agréés, certifiés, réglementés, imposés, contrôlés, suivis, interrogés, mis en conformité, pliants et « compliant », sanctionnés enfin par les immarcescibles Autorités nationales et, d'autre part, les autres, qui, peut-être, éventuellement, à tout hasard, pourraient hypothétiquement viser, mais pas directement, sans l'expliciter, les fonds souverains, ou fonds d'Etat comme ceux récemment établis en Chine et en Russie pour servir, de manière affichée, les intérêts nationaux, et les fonds des banques islamiques, dits « shariah compliant », conformes à la shariah. Mais surtout pas d'ostracisme ni de diabolisation ! Loin de nous l'idée, etc. Il est sûr que n'ayant pas nous même les moyens de créer un fonds souverain - le fonds souverain chinois de 200 milliards de dollars agit officiellement depuis le 1er octobre, après s'être illustré à l'avance par une prise de participation massive au capital de Blackstone lors de son IPO; celui des Emirats arabes unis est de 875 milliards de dollar ; celui de l'Arabie Saoudite s'élève à 300 milliard ; celui de Singapour à 430 milliards ; celui affiché officiellement par la Russie serait de 32 milliards ; à comparer au budget de la France en 2007, 267,8 milliards d'euros, par exemple - il devient urgent de s'intéresser à l'art de la poliorcétique.

Comment ces PME peuvent-elles donc s'y retrouver dans ce tourbillon de bonnes intentions, de mesures d'encouragement et de surveillance, de récompenses et de punitions ?

Les regards se tournent alors vers Oseo, l'établissement public d'aide au PME ! Las, trois fois hélas ! Depuis ce même premier octobre il n'y a plus de pilote dans l'avion... Le PDG d'Oseo, Jean-Pierre Denis quitte, comme annoncé il y a quelques mois, la direction de l'agence. Il n'est pas seul, le directeur général délégué est également appelé à d'autres responsabilités au secrétariat d'Etat aux entreprises, Catherine Larieux, Directrice de l'innovation, l'avait précédé il y a à peine quelques mois. Le successeur de M. Denis n'est pas annoncé : Oseo-Innovation manquerait de liberté de manœuvre, malgré un budget en augmentation, et l'Etat s'interrogerait sur la stratégie à suivre. Rappelons qu'Oseo est le fruit du rapprochement de l'Anvar, l'Agence de l'innovation historique devenue Oséo-Innovation, de la banque de développement des PME (BDPME) et de la Sofaris, chargée, quant à elle, de garantir certains prêts accordés aux PME. Trois logiques en confrontation directe, en pratique : agence de service public, banque et garantie/assurance. Résultat prévisible : Oseo-Financement, ex BDPME, représente trois quarts des effectifs et pratiquement la totalité du résultat net d'Oseo ; Oseo-Innovation est particulièrement mise en cause, défavorisée par sa taille et par les résultats atterrants de l'enquête de la Cour des comptes qui, en octobre dernier, avait dénoncé la gestion inefficace, approximative et hasardeuse de l'Agence. Ces luttes intestines et la vacance de la direction sont évidemment du plus mauvais effet alors, qu'en parallèle, Oseo doit fusionner avec l'AII (Agence de l'innovation industrielle), émanation archétype du « capitalisme à la française » voulue par Jean-Louis Beffa et Jacques Chirac, et dont l'avenir est sujet d'intenses débats depuis l'élection de Nicolas Sarkozy... (Rappel : 2 milliards d'euros ont été alloués au budget de l'AII, créée en 2005.)

Dans l'expectative, on continue : le 19 septembre 2007, le gouvernement a annoncé le lancement d’un 5e appel à candidature pour l’attribution d’aides au financement de projets de recherche et développement dans le cadre des pôles de compétitivité. Les 4 premiers appels à projets déjà lancés depuis décembre 2005 ont conduit au dépôt de 734 projets par 65 pôles. Quelque 313 projets ont été retenus pour bénéficier de près de 429 millions d'euros de l’Etat, auxquels s’ajoutent 233 millions des collectivités. L’Etat compte consacrer à ces pôles en moyenne 500 millions par an de 2006 à 2008.

Bon courage aux entrepreneurs innovateurs.

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